Il y a des fois dans le jardin de belles réussites comme de gros loupés, parfois les loupés sont le fruit d'intenses réflexions: une scène entre deux végétaux qui s'avère décevante et à l'inverse, de superbes réussites dues en grande partie au hasard: deux couleurs à priori opposées et qui s'associent à merveille. Il existe une troisième alternative, basée sur l'observation et la connaissance végétale: le hasard contrôlé.
Le hasard contrôlé consiste à utiliser des végétaux issus d'un même milieu puis de les mettre en scène. Dans un endroit ensoleillé et drainant par exemple, on se dirigera naturellement vers des végétaux de milieu ouvert, telles que des plantes de prairies. Qu'elles soient originaires d'Europe, d'Asie central ou d'Amérique du Nord, ces plantes issues des mêmes milieux partagent une physionomie commune. Un port souvent élancé, un feuillage offrant un minimum de résistance à l'air, une inflorescence anémogame etc... Associées les unes aux autres ces plantes offriront un paysage de prairie, un paysage naturel mais travaillé par l'homme. On ajoutera à ces végétaux, des plantes structurantes, dotées d'inflorescences à la géométrie parfaite telle une fleur d'eremurus ou d'ail d'ornement et la prairie naturel prendra des allures plus contemporaines. Ou bien on réduira le nombre d'espèces à 3-4 en opposant deux couleurs et 3 formes différentes et l'on construira un jardin moderne, cette trame peut être modifiée à l'infini selon l'inspiration.
Le fait d'utiliser des végétaux issus des mêmes milieux permet avant tout un bon enracinement et une excellente reprise, c'est bête à dire mais une vivace de sol drainant cultivée dans un sol lourd végétera, ne sera pas au top de sa forme et finira tôt ou tard par mourir.
Alors, à quel moment intervient le hasard contrôlé ? Restons sur notre exemple de jardin drainant et ensoleillé et cherchons à y faire un jardin blanc. Commençons d'abord par lister les végétaux adéquats : gauras, pennisetums, lavandes blanches, stipas, campanules, erigerons, eupatoires, hortensias arborescens, valérianes... Ces végétaux poussent dans les mêmes conditions et remplissent mon cahier des charges d'un point de vu des couleurs MAIS pour obtenir ce fameux hasard contrôlé je dois prendre en compte un paramètre anodin, le mode de propagation. Quelles sont les plantes à l'âme vagabonde qui se ressèment à tout va et quelles sont celles dont la souche ne bouge d' 1cm en 10 ans ?
Si je souhaite maîtriser mon jardin, je privilégie les plantes sédentaires; oui, mais de la sorte, mon massif aura la même allure d'une année sur l'autre, si je veux du mouvement je dois y instiller une dose de hasard et donc une dose de plantes vagabondes. C'est là que commence le hasard contrôlé, car pour pouvoir contrôler il faut que la proportion de plantes vagabondes soit plus faible que la proportion de sédentaires, le bon équilibre (du moins dans mon sol riche et frais) est 4/5 de sédentaires et 1/5 de vagabondes.
Si je suis observateur, je sais que l'hortensia arborescens, les pennisetums, les lavandes blanches et dans une moindre mesure les campanules sont assez sages, je vais donc privilégier la plantation de ces variétés et vais attendre au moins 1 an qu'elles s'installent et prennent de la force. Dans mes plantations je vais laisser quelques grandes poches, de façon à pouvoir y installer d'ici 1 à 2 ans des vagabondes. Ce long laps de temps permettra aux plantes de bien s'installer, elles pourront faire face aux vagabondes et seront assez robustes pour limiter les plantes les plus voyageuses. Ainsi d'une année sur l'autre, mon paysage changera par petites touches et évoluera chaque année mais sans changer complètement, voilà ce qu'est le concept de hasard contrôlé.
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