Le 5 décembre, nous célébrons la Journée mondiale des sols, une occasion de mettre en lumière un trésor souvent négligé, mais essentiel : le sol. Cet "épiderme de la Terre" est bien plus qu'une simple couche de terre sous nos pieds. Véritable pilier de la vie, le sol nourrit les plantes, abrite une biodiversité étonnante, stocke du carbone, et joue un rôle fondamental dans la régulation du climat et de l’eau.
Pourtant, les sols sont en danger : 33 % des sols mondiaux sont déjà dégradés, et l’érosion, la pollution et l’artificialisation menacent chaque jour leur capacité à soutenir la vie. Saviez-vous qu’il faut près de 1 000 ans pour former seulement 1 cm de sol fertile ? Une ressource aussi précieuse et non renouvelable mérite évidemment toute notre attention.
C'est quoi un "sol" ?
Voici la définition officielle d'un sol donné par l'Association Française pour l'Étude du Sol ou AFES :
Le sol est un volume qui s’étend depuis la surface de la Terre jusqu’à une profondeur marquée par l’apparition d’une roche dure ou meuble, peu altérée, ou peu marquée par la pédogenèse. L’épaisseur du sol peut varier de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres, ou plus. Il constitue, localement, une partie de la couverture pédologique qui s’étend à l’ensemble de la surface de la Terre. Il comporte le plus souvent plusieurs horizons correspondant à une organisation des constituants organiques et/ou minéraux (la terre). Cette organisation est le résultat de la pédogenèse et de l’altération du matériau parental. Il est le lieu d’une intense activité biologique (racines, faune et micro-organismes).
Les fonctions essentielles des sols
Au sein des écosystèmes : le pilier invisible de la vie
Les sols jouent un rôle clé dans la régulation et le fonctionnement des écosystèmes terrestres.
- Habitat des organismes vivants : les sols forment une véritable "ville souterraine" où vit une myriade d’organismes. Des minuscules bactéries aux champignons mycorhiziens en passant par les vers de terre, chaque acteur participe à un réseau complexe d’interactions. Ces organismes maintiennent la fertilité des sols, décomposent la matière organique et soutiennent la croissance des plantes.
- Stockage et transformation de la matière organique : les sols agissent comme des réservoirs de matière organique, provenant des feuilles mortes, des racines et des déjections animales. Cette matière est décomposée par les microorganismes, libérant des nutriments essentiels comme l'azote, le phosphore et le potassium. Ces nutriments sont ensuite absorbés par les plantes, alimentant ainsi le cycle de la vie.
- Régulation des échanges gazeux et hydriques : les sols sont au cœur des échanges entre la terre, l’atmosphère et les eaux souterraines. Ils absorbent l’eau de pluie, la filtrent et la restituent progressivement aux plantes et aux nappes phréatiques. Ils régulent également les échanges de gaz comme le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4), jouant un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique.
Pour l’humanité : les sols sont des alliés indispensables
Au-delà de leur rôle écologique, les sols sont directement liés au bien-être humain et à nos activités.
- Production alimentaire : environ 95 % des aliments consommés dans le monde dépendent des sols. Qu'il s'agisse de céréales, de fruits ou de légumes, une agriculture productive repose sur des sols sains et fertiles. Avec une gestion plus durable des sols, il serait possible théoriquement d’augmenter les rendements jusqu’à 58 %.
- Purification de l'eau et dégradation des polluants : les sols agissent comme un filtre naturel. Ils retiennent les polluants, neutralisent les substances toxiques et purifient l’eau qui s’infiltre jusqu’aux nappes phréatiques. Sans ce service écologique, la qualité de l’eau potable serait gravement menacée.
- Support physique pour les infrastructures : les sols servent de base à toutes nos constructions, routes, bâtiments, ponts, et autres infrastructures humaines. La stabilité et la qualité du sol déterminent la durabilité de ces ouvrages.
- Contribution au patrimoine culturel et naturel : les sols gardent la mémoire de la Terre. Ils contiennent des informations précieuses sur les climats anciens, les écosystèmes passés et même les traces des premières civilisations humaines. En tant qu’archives vivantes, ils enrichissent notre compréhension de l’histoire naturelle et culturelle.
Les sols constituent l'un des piliers de la biodiversité
Le sol est l'un des écosystèmes les plus riches en biodiversité, abritant une incroyable variété d'organismes essentiels à la vie sur Terre. Parmi ces habitants invisibles, on trouve des bactéries, des champignons, des lombrics et bien d'autres microorganismes. C'est près de 95 % de la diversité biologique totale qui se retrouve "cachée" dans les sols
- Des organismes vitaux : un gramme de sol peut renfermer jusqu’à un milliard de bactéries et des milliers d’espèces différentes. Les champignons, quant à eux, forment des réseaux souterrains impressionnants : dans 1 m² de prairie, on peut trouver plusieurs kilomètres de filaments fongiques. Ces organismes interagissent pour décomposer la matière organique, recycler les nutriments et structurer le sol.
- Les mycorhizes : ces associations symbiotiques entre champignons et racines végétales profitent à environ 90 % des plantes terrestres. Les champignons mycorhiziens aident les plantes à absorber l’eau et les nutriments, en échange de sucres produits par la photosynthèse. Ce partenariat améliore la résilience des plantes face au stress hydrique ou aux pathogènes.
- Une diversité essentielle à la santé des écosystèmes : la biodiversité souterraine influence directement les écosystèmes terrestres, contrôlant la disponibilité des éléments essentiels comme l’eau, le carbone ou l’azote. Elle soutient également les chaînes alimentaires et les cycles biologiques.
Les sols peuvent-ils nous aider face aux changements climatiques ?
Les sols jouent un rôle très important dans la lutte contre le changement climatique grâce à leur capacité à stocker de grandes quantités de carbone.
Le premier mètre de sol à l’échelle mondiale contient, en moyenne, entre 1 500 et 2 000 gigatonnes de carbone organique, soit plus que le carbone stocké dans la biomasse végétale (650 gigatonnes) et l’atmosphère (750 gigatonnes) réunies. Mais, on estime qu’ils pourraient séquestrer 20 000 mégatonnes de carbone en 25 ans, soit l'équivalent de 10 % des émissions globales.
Or, le réchauffement global, associé à des pratiques agricoles intensives, accélère l’érosion et la perte de matière organique. Ces phénomènes diminuent la capacité des sols à stocker le carbone et libèrent même du CO2 dans l’atmosphère, exacerbant les effets du changement climatique.
La dégradation des sols : un défi mondial !
La dégradation des sols représente une menace majeure pour l’environnement et l’humanité. À l’échelle mondiale, 33 % des sols sont modérément ou gravement dégradés, en raison de l’érosion, de la pollution et de l’artificialisation des terres. Des chiffres alarmants !
Chez nous, en Europe, 11 hectares de sols disparaissent chaque heure sous l’effet de l’urbanisation et des infrastructures. En Afrique, 40 % des terres sont dégradées, menaçant la sécurité alimentaire et les écosystèmes locaux.
La dégradation des sols compromet alors la production agricole, déjà sous pression pour nourrir une population mondiale sans cesse croissante. Pour rappel, la formation d’un centimètre de sol fertile peut prendre jusqu’à 1 000 ans, ce qui fait du sol une ressource non renouvelable à l’échelle humaine.
Avons-nous des solutions pour protéger les sols ?
Oui, des solutions existent ! Elles sont d'ailleurs bien connues depuis de nombreuses années, mais peinent à se faire un chemin. Fort heureusement, les mentalités changent peu à peu.
Mais, il faut bien se dire aussi que même si ces solutions paraissent simples sur le papier, elles le sont beaucoup moins une fois confrontées à la réalité du terrain. Les "yakafocon" (Y a qu'à, faut qu'on…) sont légion (et l'auteur de cet article est conscient d'en faire partie sur ce sujet) et la préservation des sols fera l'objet d'un long processus de conscientisation, de changement d'habitudes et de travail acharné de la part des acteurs du monde agricole, industriel et politique.
Voici, néanmoins, les grandes lignes des bonnes idées à développer.
Agriculture durable et agroécologie
En limitant les labours, la structure naturelle du sol est maintenue, ce qui protège les microorganismes qui en assurent la fertilité tout en réduisant l’érosion. La rotation des cultures permet d’éviter l’épuisement des nutriments et de rompre les cycles de maladies et de ravageurs, renforçant ainsi la résilience des sols. Enfin, la couverture végétale protège la surface contre les agressions climatiques, tout en augmentant la matière organique et en favorisant l’infiltration de l’eau, contribuant ainsi à des sols plus sains et productifs.
Gestion urbaine plus respectueuse de l'environnement
Freiner l’artificialisation des terres en limitant la conversion des sols agricoles et naturels pour des projets d’aménagement est essentiel pour préserver leur fertilité et leurs fonctions écologiques. Prioriser la densification et la réutilisation des zones déjà urbanisées, comme les friches industrielles ou les espaces sous-utilisés, permet de réduire la pression sur les sols fertiles. Cette approche contribuera à maintenir les écosystèmes locaux tout en répondant aux besoins croissants d’expansion urbaine de manière durable.
Restaurer les sols dégradés
Des initiatives comme la reforestation et la plantation de haies aideront à stabiliser les sols, en limitant l’érosion et en favorisant la réintroduction d’organismes vivants. Ces actions améliorent la structure du sol en augmentant sa capacité à retenir l’eau et les nutriments. Restaurer les écosystèmes dégradés, en réintroduisant des plantes locales et en favorisant des habitats pour la faune, stimule également la biodiversité, créant ainsi un sol plus résilient et fertile, capable de soutenir la vie durablement.
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