La "Loi Labbé" encadre depuis 2014 l’utilisation des produits phytosanitaires sur l’ensemble du territoire national. En application de cette loi, depuis 2017 les collectivités ne peuvent plus utiliser ou faire utiliser de pesticides pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles au public. Les particuliers aussi sont concernés par cette loi depuis 2019 grâce à l’interdiction de vente de pesticides chimiques de synthèse en libre-service.
C’est maintenant au tour de tous les lieux de vie d’être concernés depuis ce 1er juillet 2022, avec l'interdiction d’appliquer des pesticides dans les espaces que sont :
- les jardins de particuliers
- tous les lieux de vie privés comme les copropriétés, les résidences hôtelières, les campings, les jardins familiaux, les parcs d’attraction, les zones commerciales et parkings, les lieux de travail, les établissements d’enseignement et de santé
- les collectivités : notamment dans les cimetières, sur les terrains de sport (hormis les terrains de grands jeux et professionnels qui bénéficient d'un sursis jusqu'au 1er janvier 2025) et les aérodromes.
C'est une belle avancée pour la protection de l'environnement et de notre santé à tous. Voici un petit décryptage de cette Loi Labbé, du nom du sénateur qui a porté ce dossier législatif de longue haleine.
Quels sont les produits phytopharmaceutiques interdits ?
Désormais, tous les produits phytopharmaceutiques sont interdits à l’exception :
- des produits de biocontrôle
- des produits utilisables en agriculture biologique
- des produits à faible risque,
à conditions que ceux-ci bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché national.
Les produits phytopharmaceutiques interdits sont les produits qui permettaient de "protéger" les jardins, espaces verts et espaces extérieurs en détruisant ou éloignant des organismes, insectes et plantes considérées comme nuisibles et indésirables.
Ces sont donc les insecticides, les fongicides (qui détruisent les champignons parasites), les herbicides (qui détruisent les mauvaises herbes), les acaricides (qui détruisent les acariens) et les molluscicides (qui détruisent les mollusques tels que limaces ou escargots) chimiques, qui à partir de ce 1er juillet 2022 ne sont plus autorisés.
Reconnus pour leur toxicité, leurs effets mutagènes et cancérogènes et leur danger pour le milieu aquatique, il était temps de supprimer ces produits dangereux pour l'Homme et la nature de nos jardins et espaces de vie extérieurs.
Les produits de biocontrôle autorisés
Définis à l’article L.253-6 du code rural, les produits de biocontrôle utilisent des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte contre les ennemis des cultures. Ils comprennent en particulier :
- Les macro-organismes, tels que les insectes parasitoïdes, les insectes et acariens prédateurs, les nématodes entomopathogènes, les vertébrés utiles prédateurs de vertébrés ou d’invertébrés nuisibles. Ce sont ce qu'on appelle en général les insectes auxiliaires, tels que les coccinelles et leurs larves par exemple, permettant de lutter contre les invasions de pucerons.
- Les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes (tels que des champignons, des bactéries, des virus…), des médiateurs chimiques comme les phéromones et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale.
Si vous faites appel à une entreprise d'espaces verts pour votre jardin ou votre copropriété, vous pouvez consulter la liste des produits de biocontrôle autorisés sur le site de l'Office français de la Biodiversité.
Les produits utilisables en agriculture biologique autorisés
L’agriculture biologique autorise l’usage de certains produits phytopharmaceutiques, à condition qu’ils ne soient pas issus de la chimie de synthèse et ne soient pas à usage herbicide. Ces produits sont donc toujours autorisés pour l'entretien des extérieurs des lieux de vie. La liste des substances actives autorisées en agriculture biologique est établie par la Communauté européenne (Règlement (CE) n°889/2008). On pense aux produits tels que le sulfate de cuivre, l'huile de paraffine ou encore le souffre. Attention toutefois au respect des conditions d'emploi, car l’abus de certaines substances n’est pas sans conséquences, en particulier sur le sol !
Les produits à faible risque autorisés
Les produits dits à faible risque "ne comportent pas de substances classées pour leur toxicité, ou persistantes, ou à forte bioconcentration, ou à effet perturbateur endocrinien". Ils sont approuvés pour un ou plusieurs usages précis, comme certains fongicides contenant des spores et du mycélium du champignon antagoniste Gliocladium catenulatum par exemple, ou encore le phosphate ferrique des granulés anti-limaces.
La liste de ces produits à faible risque est à consulter sur internet.
Peut-on utiliser d'autres produits dits "naturels" ?
Oui, il est possible d’utiliser des substances dites "de base", qui ne sont pas des produits phytopharmaceutiques. Les substances de base sont des substances régies par d’autres règlementations, souvent alimentaires. Ce ne sont pas des produits phytopharmaceutiques, mais ils peuvent être utilisés dans les espaces verts, lorsqu'ils sont autorisés par l’Union européenne : on peut citer par exemple la prêle (en purin par exemple pour son action sur les maladies fongiques), le fructose pour son effet insecticide via la stimulation des mécanismes de défense naturels, ou le vinaigre utilisé comme fongicide, bactéricide et herbicide (désherbant). L'utilisation de ces produits suppose qu'on en respecte les conditions d’usage, en évitant par exemple les mélanges ou les surdosages.
L’Institut de l'Agriculture et de l'Alimentation Biologiques (ITAB) référence les substances de base autorisées à ce jour par l’Union européenne, en précisant la recette et les usages pour lesquels la substance est reconnue.
Les traitements contre les organismes nuisibles réglementés sont encore possibles
Cette nouvelle interdiction d’usage de produits "phytos" chimiques peut faire l'objet de rares exceptions, lorsqu'ils sont nécessaires "à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles réglementés, faisant l’objet de mesures de lutte obligatoire", comme la bactérie Xillela ou le chancre, qui représentent un danger à grande échelle pour certains végétaux. Ces mesures font alors l’objet d’un arrêté national de lutte, souvent accompagnés localement par des arrêtés préfectoraux.
Quelles sont les sanctions encourues en cas de non-respect de cette interdiction ?
Le non-respect de ce renforcement de la Loi Labbé est une infraction pénale, punie de 6 mois d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. Il s'agit d'une sanction maximale, modulée par la justice en fonction des circonstances dans lesquelles l’infraction aura été commise.
Les contrôles seront réalisés par les services régionaux de la protection des végétaux, et les services de l’Office Français de la Biodiversité, commissionnés et assermentés pour exercer des missions de police judiciaire sous l’autorité du procureur de la République.
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