Certains jardiniers évitent par-dessus tout d'utiliser les aiguilles de pin par peur que cela acidifie trop leur sol. D'autres, en revanche, les gardent en paillis ou même en mélangent avec la terre de plantation pour diminuer le pH du sol pour certaines plantes acidophiles. C'est, en effet, un conseil courant qu'on nous livre dans les livres et sur les sites internet, ou même parfois provenant de spécialistes. Mais est-ce que les aiguilles de pin ou d'autres conifères (cèdres, sapins, mélèzes...) influencent vraiment le pH du sol ? Est-ce au contraire une mauvaise chose d'utiliser des aiguilles de pin en paillage ? On fait le point !
La prétendue acidité des aiguilles de pin
En réalité, ce sont les aiguilles vertes, donc encore sur l'arbre, qui sont le plus acides. Les aiguilles brunes et sèches qui tombent au sol le sont beaucoup moins : le pH (potentiel hydrogène) se situe aux alentours de 6.5, soit proche de la neutralité (qui est à 7). Le pH optimal pour la majorité des plantes se situe entre 6,0 et 7,0. Avec une acidité si faible, on comprend aisément que les aiguilles de pin n'auront que très peu d'impact en paillis au pied de plantes acidophiles comme les plantes dites de terre de bruyère (Rhododendrons, azalées, bruyères, kalmias, Andromèdes...). D'ailleurs, il suffit d'analyser, dans un même sol (un même jardin par exemple), le pH du sol sous un pin et le pH sous un arbre caduc : vous constaterez que le pH sera le même à quelques dixièmes près. Vous pouvez retrouver ici le résumé des conclusions de chercheurs norvégiens sur ce sujet.
Le saviez-vous ? : contrairement à ce que nous avons vu dans nos cours de chimie, où une solution était acide sous pH 7, neutre à 7 et basique au-dessus de 7, cette notion est décalée pour les sols. Ainsi, une terre est considérée comme alcaline vers un pH de 6,6. Certaines plantes peuvent pousser à des pH assez bas (4,5), mais très peu peuvent survivre sur un sol à pH 8. Fort heureusement, ces derniers sols sont très rares.
Certaines personnes arguent que rien ne pousse sous les conifères et que c'est bien une conséquence de l'acidification du sol. D'une part, ce n'est pas tout à fait vrai, certaines plantes s'accommodant très bien de pousser sous des pins. D'autre part, ce n'est pas cette prétendue acidité le problème, mais bien l'ombre parfois dense sous certains conifères, et les nombreuses racines qui pompent l'eau de pluie et les nutriments au détriment des autres végétaux.
On ne modifie pas aisément le pH d'un sol
Le pH d'un sol est stable, car c'est avant tout la roche mère qui le détermine. La microflore du sol et quelques agents chimiques vont tenir le rôle de tampon et maintenir le pH. Par conséquent, si vous souhaitez modifier l'acidité ou l'alcalinité d'un sol, il faudra avoir recours à des doses massives de soufre pour acidifier ou, au contraire, de chaux pour remonter le pH. Nous ne vous le recommandons pas pour des raisons évidentes, économiques et écologiques. De plus, dès l'arrêt de l'apport de ces produits, le pH du sol reviendra à son taux habituel.
Le pH dépend donc du sous-sol (roche mère), de la microflore du sol et, en partie, du climat et de la pluviométrie du lieu. Il y a aussi un facteur de temps : un sol s'acidifiera naturellement petit à petit au fil des décennies.
Que faire alors ?
Si vous avez l'habitude de pailler avec des aiguilles de pin au pied de vos plantes acidophiles, vous pouvez continuer, car cela ne leur fait pas de mal non plus. Les aiguilles de pin constituent un bon paillage carboné, bien que peu riche en potassium. Par leur taux en carbone, les aiguilles de pin trouveront aussi leur place dans le compost pour réguler la balance carbone/azote (C/N). De plus, le tanin contenu dans les aiguilles de pin ou d'autres conifères n'a pas d'effet inhibiteur réel sur la croissance des plantes. L'acidification, due à ce paillage, n'est qu'extrêmement légère et de toute façon temporaire, mais cela constitue un bon paillage qui se décompose lentement pour former peu à peu de l'humus.
Pour faire croitre des plantes dites de terre de bruyère dans un sol neutre à alcalin, il vous faudra creuser une fosse, enlever la terre et la remplacer par un substrat très acide : de la véritable terre de bruyère ou de la terre dite de bruyère (attention cependant, ce substrat est pauvre et ne retient pas l'eau !).
Pour en savoir plus sur l'utilisation de la terre de bruyère, lisez Terre de bruyère : Comment bien l'utiliser au jardin ?
Sinon, vous pouvez opter pour des plantes uniquement adaptées à votre sol, cela vous évitera du travail et bien des désagréments. Pour planter sans se planter, vous pouvez utiliser notre application PlantFit.
Anne , le 4 Juillet 2023
Mon préféré : celui sur les "mauvaises herbes"! je laisse aussi pousser les mauvaises herbes dans mon jardin, sous l'oeil noir et les commentaires acides de mes voisins mais je tiens bon, bien convaincue de tout ce que vous avancez sur ces soi-disants mauvaises herbes et leurs avantages. Je mets quand même un bémol pour la potentille rampante qui me pourrit un peu la vie, mais bon...
Merci pour tous vos articles, c'est un bonheur de lire cela.
JP , le 23 Janvier 2025
Bonjour Olivier,
J'ai aussi entendu que le broyage de conifère pouvait être utilisé sans créer de problème.
Par contre attention, les conifères vivants acidifient bien le sol, c'est pour ça entre autre qu'ils sont souvent interdits près des cours d'eau: https://bassinversant.org/wp-content/uploads/2022/09/plaidoyer-pour-une-restauration-des-cordons-rivulaires-naturels-des.pdf (p6)
Cdt
Réponse de Ingrid , le 28 Janvier 2025
Bonjour,
Merci pour votre remarque. Vous avez raison, le broyage de conifères est souvent débattu. En réalité, lorsqu’ils sont broyés et bien décomposés, ils n’acidifient pas le sol de manière significative. En revanche, les aiguilles fraîches et l’humus sous des conifères vivants peuvent effectivement acidifier le sol sur le long terme, car les résidus organiques en décomposition libèrent des composés acides.
Quant à leur interdiction près des cours d’eau, cela est surtout lié à leur effet sur la biodiversité : les aiguilles forment une litière pauvre qui limite la diversité végétale et impacte les écosystèmes environnants. Pour aménager les cours d'eau, il est préférable d'utiliser des variétés adaptées et locales.