"Bientôt, entrez, c'est tout vert" ! Depuis plusieurs mois, le slogan s'affiche partout, de Paimpont à Katmandu, en passant par Téhéran, la Grande Muraille de Chine ou encore Cuzco... C'est que l'événement est de taille : comme tous les ans, à Esneux, en Belgique, Sophie Arendt ouvre son jardin : "Citrouilles et Lutin". Cette année, ce sera les 17 et 18 septembre.
Bien que je la suive depuis plusieurs mois sur Facebook, j'ai eu envie d'en savoir un peu plus sur cette jardinière hors pair, chez qui on jardine de père en fille. Interview !
Tu ouvres ton jardin depuis 2008. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’organiser "Entrez, c’est tout vert " ?
Mon père m’avait dit en boutade : « Tu ouvres ton jardin, je fais des démonstrations de vannerie ». C’est ainsi qu’est née la première édition d’« Entrez, c’est tout vert ! ». Nous avons accueilli plus de 300 personnes ce week-end. L’année suivante, notre village, Ham, a été mis à l’honneur lors des « Journées du Patrimoine ». Les visiteurs étaient vraiment enchantés et beaucoup nous ont dit qu’ils se réjouissaient de revenir l’année suivante... Nous avons ainsi pris le pli d’ouvrir chaque année le jardin le troisième week-end de septembre.
- Connais-tu le nombre de visiteurs ? Qui vient visiter ton jardin ?
Nous accueillons entre 300 et 900 personnes en deux jours, en fonction de la météo. Il n’y a pas de visiteur type : des promeneurs qui passent devant le jardin par hasard, beaucoup de personnes des alentours, mais aussi des passionnés de jardins qui parfois ont fait 3 heures de route pour participer aux portes ouvertes. Le bouche-à-oreille fait une partie, Facebook le reste. Je suis ravie en tout cas d’accueillir certains visiteurs d’année en année, qui apprécient l’ambiance des portes ouvertes et viennent constater l’évolution du jardin.
Ton jardin a 12 ans. C’est encore un adolescent ou il arrive tranquillement dans l’âge adulte ?
Quand papa a hérité de cette prairie, il a commencé à y planter des arbres fruitiers. Je lui ai demandé de pouvoir occuper un carré de terre : nous avons alors créé un grand potager où il plantait ses légumes et moi toutes mes courges. Très vite, en face du potager j’ai dessiné une première bordure de fleurs, pour l’agrément. Puis j’ai planté des fleurs sous ses arbres fruitiers. Puis j’ai creusé un étang. Et rajouté d’autres bordures. En 12 ans, morceau après morceau, j’ai finalement pris possession de la totalité du terrain au point que papa vient d’installer un second potager ailleurs.
- As-tu beaucoup fait et refait… déplacé les plantes avant d’obtenir ce résultat ?
Je n’ai jamais vraiment déplacé beaucoup de choses, mais comme tout s’est fait au fur et à mesure, le style de chacune des bordures est différent puisqu’elles n’ont pas été créées en même temps. J’arrive maintenant au bout de mes possibilités d’aménagement et je vais donc retravailler les bordures et sans doute changer quelques plantations, mais en général, je change peu les plantes de place. Le jardin commence vraiment à mûrir.
Ta passion pour les Dahlias, c’est depuis toujours ? Combien de variétés au jardin ?
Non, l’amour des dahlias c’est récent, à peine quatre ans. Je suis passée de 3 variétés et 6 plantes en 2012 à presque 40 variétés en 2016 pour un peu plus de 100 plantes.
- Qu’est-ce qui te plaît le plus chez eux ?
Les dahlias sont des fleurs extraordinaires. Je ne connais aucune autre plante qui offre quatre à six mois de floraisons ininterrompues. Vous pouvez leur couper et couper encore des fleurs pour vos bouquets et montages, il en restera toujours autant dans votre jardin. La diversité de leurs formes et couleurs est quasi infinie. S’il ne gèle pas, ils peuvent encore être en fleurs en novembre. Franchement, qui dit mieux pour illuminer un jardin ? Bien sûr, il faut les déterrer chaque année, mais là encore, c’est pour moi un bonheur. C’est comme chercher des truffes : chaque fois que je découvre de beaux tubes à diviser, j’ai l’impression de trouver un trésor. Dans mes bordures les dahlias sont mélangés à des graminées et à des vivaces (asters, rudbeckias...).
Outre les Dahlias, as-tu un intérêt prononcé pour une famille de plantes en particulier ?
Outre les échinacées et les lupins, je craque sur les hémérocalles. Là aussi, en combinant les variétés, ce sont trois mois de floraison au jardin. Je ne sais plus où les mettre mais je continue d’en acheter... L’hybrideur Guénolé Savina de la Pépinière Hémérocalles de la Pointe, connaissant ma passion pour l’orange, m’en a dédié une : 'Sophie’s Sweet paprika'.
On a failli se croiser cet été à Hummelo… Le jardin naturaliste, c’est ta principale source d’inspiration ?
L’inspiration est partout : Sissinghurst pour la couleur, Hummelo pour l’emploi des graminées, Les jardins du Botrain pour un double mixed-border à l’anglaise, Le Jardin Plume et Le Bois des Moutiers pour l’atmosphère, et les jardins moins célèbres de mes amies ! Facebook est aussi une très belle source d’idées de plantations et d’associations. J’admire également énormément le travail du paysagiste Adam Woodruff. De manière générale, les jardins anglais sont ceux que j’apprécie le plus.
On voit peu le potager et le verger sur le blog… Tu peux m’en dire un peu plus ?
Je montre peu la partie verger du jardin en général car elle n’est pas photogénique. La bordure sous les fruitiers n’est belle qu’au printemps, au temps des ancolies et les pivoines. Ensuite il faut attendre septembre pour que les pommes rougissent et que je commence à prendre vraiment des photos. Le potager, lui, a déménagé. Pendant dix ans nous avons eu au milieu du jardin 300 mètres carrés de courges, qui ont été remplacés l’année dernière par un double mixed-border et une pelouse. Le potager est à présent de l’autre côté de la route et c’est mon papa qui le cultive. Un potager, c’est un travail encore plus dingue que d’avoir un jardin. J’avoue que c’est trop de travail.
- 300 m2 de courges ! Ça doit faire une sacrée récolte...
Nous en vendons lors des portes ouvertes. On en donne aux amis. On en conserve pour nous. Quand le gamin était plus petit, on offrait la plus grosse citrouille du jardin pour confectionner la soupe d’Halloween pour toute son école.
Ouvrir son jardin, n’est-ce pas un peu intimidant ? Grosse pression ?
La majorité des gens qui aiment leur jardin ont envie de le partager. J’ai commencé à le faire par défi, je continue à le faire par passion. Ce n’est pas intimidant, ce sont des journées de rencontres et d’échanges et c’est un plaisir de pouvoir discuter de jardins avec des passionnés, ou de donner envie de jardiner à ceux qui n’y pensaient même pas !
La pression est importante cependant, mais je me la mets toute seule ! Je fais le jardin pour moi, mais l’ouvrir en fin de saison me pousse à l’entretenir encore davantage afin de faire honneur aux visiteurs.
Entretenir un jardin comme le tien, c’est un sacré boulot et, cette année, la météo n’a vraiment pas aidé…
Ce fut une drôle d’année climatique, oui, mais paradoxalement je trouve qu’elle a plutôt favorisé mon jardin. Je n’ai quasi pas de roses (je ne les apprécie pas et elles ne n’aiment pas non plus) donc le jardin devient chez moi spectaculaire quand celui des autres commence à s’éteindre. Les pluies de juillet ont profité à mes dahlias et à mes plantes d’automne en général et la pelouse n’a jamais été aussi verte en fin d’été. Il commence à faire sec ici mais globalement, je m’en sors bien.
L'idéal serait que le jardin grandisse quand je plante et rétrécisse quand je l’entretiens... Mon mari et mon père m’aident ponctuellement pour les gros travaux : la taille des fruitiers (je n’y comprends toujours rien) et les haies (j’ai renoncé à tailler la haie à la cisaille, ils le font donc avec une machine trop lourde au goût de mes épaules !). Sinon, pour le reste... je suis le seul capitaine et le seul matelot ! Par contre, pour le week-end des portes ouvertes, là, toute la famille et de nombreux amis s’y mettent. Je suis vernie : entre ceux qui m’aident à mettre tout en place, faire des tartes, de la soupe, à composer la décoration florale, à peser les courges, à servir les gens, à vendre des plantes, à accueillir les gens, faire du jus, de la vannerie,... il y a au bas mot une quinzaine de personnes autour de moi. Sans eux, je ne pourrais pas ouvrir le jardin de cette manière.
Le lièvre, c’est une figure emblématique ? Quelle est son histoire ?
Chaque année quand nous ouvrons il y a un thème de décoration qui sert de fil conducteur : il y a eu les cœurs, les libellules, les nichoirs, un thé au jardin... Les enfants doivent retrouver certains objets faisant partie de la décoration lors d’un petit jeu qui leur permet de découvrir le jardin sous un autre angle. L’année dernière j’ai reçu de mon mari une statue d’un lièvre dont j’étais tombée amoureuse dans la boutique de Sissinghust Castle. Il trône fièrement au milieu de l’ancien potager... Le thème de cette année vient de là. Les 17 et 18 septembre, il y aura de nombreux autres lièvres et lapins cachés dans les massifs et les bordures. Ils seront offerts aux enfants à la fin du week-end.
Pour en savoir plus :
Visitez le jardin de Sophie, les 17 et 18 septembre, à Esneux (Belgique) ou retrouvez-la sur Facebook (Jardin "Citrouilles et Lutin" - "Entrez, c'est tout vert") ou sur le blog.
N'hésitez pas non plus à découvrir, sur FB, la page "Sophie, en théorie" : en plus de posséder un bon coup de plantoir, cette jardinière dispose aussi d'une très jolie plume !
calinhorely, le 12 Septembre 2016
Superbe jardin en tout cas !