Une colonie de fourmis électriques découverte pour la première fois en France

Wasmannia auropunctata débarque en France... qu'est-ce qui se cache derrière ce nom un peu barbare me direz-vous ? Il s'agit d'un petit insecte, sur lequel il vaut mieux ne pas tomber ! Originaire d'Amérique du Sud, cette fourmi aussi appelée "fourmi électrique" est une espèce surnommée ainsi en raison de sa piqûre très douloureuse. 

Quelles sont les caractéristiques de la fourmi électrique ?

Son petit nom ne présage rien de bon. La fourmi électrique ou "petite fourmi de feu" a été identifiée pour la première fois dans l'Hexagone, dans une résidence de Toulon, dans le Var. C'est une toute petite espèce - puisqu'elle mesure seulement 1,5 millimètre - mais qui représente une grande menace pour la biodiversité, car c'est une espèce envahissante.

Cette petite fourmi est de couleur marron claire doré à orangé et ses antennes se terminent par un segment en forme de massue. Elle se déplace assez lentement, et fait des colonnes d'ouvrières très nombreuses. Sa piqûre, semblable à une brûlure, provoque selon les spécialistes "une sensation de piqure d'orties, en plus fort et plus long, puisque ça dure 2-3 heures"... et elles peuvent piquer plusieurs fois par seconde !

Les fourmis électriques sont assez opportunistes ; elles nichent partout où elles trouvent un peu de chaleur et d'ombre, comme sous des pierres, dans la litière des feuilles, dans des amas de mousse, mais aussi dans les prises électriques, les véhicules, les palettes, les meubles, les tas d'ordures, etc. Étant thermotolérantes (dès 1°C jusqu'à 43°C), elles peuvent entrer en activité sur une longue période de l'année.

Ajoutons à la liste de particularités de ces sympathiques petites bêtes qu'elles ont un système de reproduction particulier : elles peuvent se multiplier par reproduction sexuée, autrement dit avec mâles et femelles, mais également asexuée, c'est-à-dire qu'elles peuvent se cloner... ce qui leur permet d'envahir un territoire assez facilement. 

Comment Wasmannia auropunctata est-elle arrivée en France ?

Olivier Blight, chercheur à l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie via l'Université d'Avignon a formellement identifié cette fourmi trouvée à Toulon en novembre 2022. Il explique qu'"on avait déjà affaire à une super-colonie, donc on pense qu'elle est là depuis plus d'un an". Probablement introduite lors d'un transport de plantes ornementales, la fourmi a déjà été observée jusqu'à 100 mètres de la résidence. Partout dans le monde, l'homme a sa part de responsabilité dans la prolifération de l'insecte, car l'urbanisation et les terrains agricoles ont créé des niches pour que ces fourmis puissent s'installer et la mondialisation a favorisé sa dissémination aux quatre coins du globe.

Pourquoi la présence des fourmis électriques est-elle inquiétante ?

Elle n'avait été observée auparavant qu'une seule fois en Europe, à Malaga en Espagne. C'est une espèce particulièrement envahissante, à tel point qu'elle a été classée dans la liste des 100 espèces envahissantes parmi les plus nuisibles du monde. Un des critères adoptés pour sélectionner les espèces de cette liste est la gravité de leurs effets sur la biodiversité ou les activités humaines.

Cette fourmi forme des colonies très denses que l'on appelle des supercolonies qui peuvent compter plusieurs millions d'individus. Elle va donc occuper tout l'espace, réquisitionner toutes les ressources alimentaires, se nourrir d'un grand nombre d'invertébrés et donc diminuer considérablement leur nombre sur le territoire qu'elles occupent, ce qui peut avoir des répercutions négatives sur la chaine alimentaire, notamment chez les reptiles ou les oiseaux qui se nourrissent normalement de ces proies. Lorsqu'elles parviennent à dominer un territoire, elles deviennent très agressives avec les fourmis des autres espèces, les éradiquant purement et simplement ainsi que les autres insectes. En Nouvelle-Calédonie, "dans les forêts qu'elle a envahies, on n'entend plus aucun son d'insectes", a ainsi indiqué Olivier Blight. Elles ont donc un impact très négatif sur la biodiversité.

Mais ce sont également certaines activités humaines qui peuvent être perturbées face à une invasion trop importante. Des cultures par exemple, ont été empêchées là où elles sévissent, car elles sont présentes partout au sol, dans les arbres et les plantes et malgré leur très petite taille, leur piqûre est douloureuse et peut entrainer des complications, notamment des chocs anaphylactiques chez les personnes allergiques. Dans les plantations de café en Colombie, leur présence est une véritable catastrophe.

Elles sont également dangereuses pour les animaux de compagnie, car des cas de cécité ont été répertoriés chez des chiens et chats piqués dans les yeux.

À ce jour, ces fourmis ont envahi les États-Unis, la Chine, l'Afrique de l'Ouest, l'Australie, la Polynésie française et l'Espagne qui était jusqu'à présent le seul pays européen touché.

Quelles actions ont été mises en place ?

Le chercheur Olivier Blight estime qu'il y a urgence à agir face à l'arrivée des fourmis électriques en France. Il souhaite "communiquer au maximum pour sensibiliser le grand public" et accéder aux résidences voisines du premier foyer détecté. Selon lui, il faut mettre en place un plan d'éradication similaire à ce qui est mis en place pour le moustique-tigre. 

L'Union Européenne prévoit un plan d'éradication dans les 3 mois qui suivent la détection et la préfecture du Var a lancé tout récemment un appel à signalement auprès de la population pour aider à estimer la zone envahie. Concernant la colonie détectée, qui s'étend environ sur un hectare, elle sera ou a été normalement éradiquée avec un insecticide chimique dans de la nourriture diffusée au sein de la colonie, permettant d'atteindre tous les individus, y compris les larves et les reines.

Notons que sur tous les continents, des millions sont dépensés pour tenter de se débarrasser de ces fourmis invasives et nuisibles.

Ouvrez donc bien les yeux lorsque vous croiserez des fourmis dans votre jardin, afin de pouvoir signaler d'autres colonies éventuelles. Si les fourmis observées ressemblent aux Wasmannia auropunctata, contactez l’INPN, 
- abstenez-vous de les toucher et de les récolter,
- ne tentez pas de les détruire.