Après les torrents d'eau tombés ces dernières semaines, je pense qu'on a tous envie de s’imaginer les pieds au sec...Alors aujourd’hui, c'est décidé, je vous emmène en Corse ! Souvenez-vous, j’avais partagé ici quelques images et impressions de mon voyage à la Réunion. Et bien, chose assez surprenante,  j'ai retrouvé entre les deux îles quelques similitudes. La végétation y est bien sûr très différente, en raison du climat, sans parler de la culture....mais l'image globale, avec le paysage des montagnes donnant sur la mer (surtout en Balagne, région de Haute-Corse, au nord-ouest de l'île) donne une petite impression de déjà-vu. Bref, la comparaison s'arrête là, mais vous l'aurez compris, celle que l'on appelle l'île de Beauté le mérite amplement. J'ai eu la chance de visiter plusieurs fois la Corse, et c’est à chaque fois un émerveillement. Or cette fois, j'ai pu la découvrir au printemps, et croyez moi, cela change tout. Des couleurs aux parfums, j'avais l'impression de redécouvrir l'île à chaque instant.

En toute saison, la Corse est très sauvage, un peu rude. Cette rudesse s'exprime dans les reliefs des falaises qui bordent la côte, dans l’intensité des rayons du soleil en pleine journée, et dans l'accent un peu râpeux des anciens, parfois. J'ai beaucoup entendu dire que la Corse ne se laissait pas apprivoiser facilement (ceux qui se sont déjà perdus dans le maquis savent de quoi je parle...). Mais la Corse, c'est aussi beaucoup de douceur : la douceur de vivre d'abord, la température accueillante de la mer, le velouté de la confiture de châtaigne...Et au printemps, quand l'île fleurit, elle semble comme s'adoucir davantage. Les couleurs se font chatoyantes, les lumières caressantes et la température, moins écrasante..... Et surtout les parfums explosent. En mai, les cistes sont à l'honneur, et avec elles, leur parfum ambré. Même le maquis paraît moins austère, en se couvrant de rose, de jaune, et de violet...

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Paysage typique du maquis corse avec, en fond, la méditerranée.

Ce maquis, dont nous avons tous en tête l'image d'une brande aussi inextricable que piquante : et bien ce n'est pas un mythe, et la-bas, il recouvre plus de 20% de l’île. Très dense et relativement bas, le maquis abrite des arbrisseaux résistants à la sécheresse : ciste, myrte, arbousier, bruyère...autant d'espèces qui participent aux couleurs et aux odeurs de l'île, toute l'année. Les ronces, autres chardons et petites aromatiques (comme la menthe corse) font aussi partie du paysage, les chênes verts et les chênes lièges venant agrémenter le tout. Et parfois, quand le passage soutenu des promeneurs finit par dessiner un chemin, ce sont les fleurs qui fignolent le décor : vesce, vipérine, asphodèle, férule...

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Chemin à travers le maquis

Mais on trouve aussi dans la palette végétale de l'île des espèces aux noms plus communs pour les amateurs de jardins : lavande, nepeta, pivoine, ancolie, digitale, mauve, muflier, pavot...Même l'orchidée a la part belle dans les paysage corses. Tantôt mesurée, tantôt exubérante, la nature fait ici partout son œuvre, peignant certaines scènes dignes du plus inspiré des jardiniers. Ici un jardin méditerranéen avec lavandes, graminées et immortelles, dans un massif minéral très équilibré. Et là un massif de plein soleil avec du jaune marié au violet, sans que cela soit criard, ni aucunement agressif pour le regard. Une belle leçon de colorisme à prendre.

La-bas, j'ai eu l'occasion de visiter un jardin : le parc botanique de la Saleccia. La Saleccia, c'est un jardin de 7 hectares au cœur de la Balagne, et surtout l'occasion de faire le tour des espèces qui enchantent la vue et l'odorat des Corses (mais aussi les papilles) depuis toujours. A l'origine de ce jardin, un incendie, qui ravage dans les années 70 plusieurs hectares d’une oliveraie centenaire. C’est alors que le paysagiste et pépiniériste Bruno Demoustier amorce un projet qui va durer plus d'une vingtaine d'années : nettoyage, greffage, remodelage....pour enfin ouvrir ce jardin, véritable ode à la beauté des paysages corse et méditerranéen. Le jardin se divise en plusieurs parties : entre les chemins, les vallées, les sentiers...se déroule un véritable circuit botanique qui nous fait découvrir (ou redécouvrir) les plantes "du sud" : Australie, Afrique du Sud, Nouvelle Zélande...le voyage se passe en transition, pour le bonheur des yeux.

Et bien entendu, les espèces types du maquis y sont largement représentées. De toute façon, celui-ci est omniprésent : il encercle le parc, comme rappelant à ce dernier d'où il vient...

Cœur "vert" du parc et maquis tout autour
Cœur "vert" du parc et maquis tout autour

Un sentier est même entièrement dédié à cette formation végétale typique avec la découverte de l’arbousier, la myrte, la ciste ou l’immortelle...Avec les panneaux explicatifs quant à leur utilisation traditionnelle par les corses en cuisine, médecine, mais aussi en cosmétique.

Progressivement, la balade se poursuit : j'ai particulièrement aimé les différents bassins, très bien intégrés dans le paysage ; ils semblent là depuis toujours et permettent d’accueillir une faune (d'insectes notamment) encore plus large. Et à proximité, quel plaisir de voir les rangées d'oliviers issus des greffes des sujets centenaires, vestiges du passé du terrain de la Saleccia.

Oliveraie
Oliveraie

Encore plus loin, le jardin des quatre couleurs est à l'honneur, avec en son centre une place et un banc avec la vue sur le parc et la mer en arrière plan : comme un rappel à ces places de village typiquement corses, très paisibles, où l'on vient prendre le frais à l'ombre du vieux chêne... Le sentier sauvage est aussi très agréable, il fait tout le tour du jardin. On longe donc le maquis corse d'un côté, le jardin étant un peu en contrebas, le tout dans un cadre encore plus naturel et un peu retiré. Du côté du végétal, je trouve que les euphorbes ajoutent une dimension supplémentaire au jardin. Rien de très original, certes, mais leur port toujours un peu différent et leur variété au niveau des coloris en font, pour moi, des indispensables.

Début mai (période à laquelle j'ai visité le jardin), les floraisons débutent tout juste, donc je pense que l'idéal est de s'y rendre fin mai ou en juin, pour apprécier notamment la floraison des rosiers qui y sont assez bien représentés. J’ai aussi raté de peu la floraison des agapanthes, qui y sont nombreuses (plus de 700 pieds parmi 24 variétés, d'après le site du parc). Je n'ai pas pu non plus pu profiter pleinement de la collection de lauriers roses (apparemment plus de 70 variétés, dont certaines créées par le concepteur du parc lui même). Quoiqu'il en soit, la visite est un vrai enchantement, le jardin mérite amplement son label de "jardin remarquable". Et ce ne sont pas les petites créatures qui apparaissent dans les arbres ici et là qui vous diront le contraire...

Créature en fil de fer, par Alexandra Gatti
Créature en fil de fer, par Alexandra Gatti