Le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher) bat son plein, et cette année j'avais une excellente raison pour m'y rendre à nouveau après 4 années où je l'avais quelque peu délaissé : une de mes amies étudiante en formation en Aménagement paysagers à Angers concourrait avec l'Institut Agro Rennes-Angers, fait assez rare dans cette compétition qui présente essentiellement des œuvres de paysagistes établis.
Il y a cette année 26 jardins éphémères à visiter, représentant des compétiteurs français pour la grande majorité, mais aussi la présence de l'Inde, de la Finlande, la Chine, l'Italie, la Grande-Bretagne, les États-Unis et les Pays-Bas.
La thématique de cette édition 2023 met à l'honneur le jardin résilient. Un thème d'actualité s'il en est ! Sont donc présentés au grand public des scènes végétales, créations conceptuelles ou jardin prototypes mettant en scène un jardin en mutation face au dérèglement climatique. Ils sont tous synonymes d'inspiration et de révélation du végétal dans ce monde malmené par le manque d'eau ou les inondations, les incendies, la bétonisation ou les températures qui s'emballent, et imposent un nouveau regard sur les espèces à utiliser, les solutions innovantes ou traditionnelles à imaginer. En 2023, le jardin résilient résiste et se réinvente.
Je vous présente quelques-uns de mes coups de cœur de cette année, par ordre de visite, faute de pouvoir tous les citer dans cette chronique blog. J'ai été tour à tour charmée, émue et interpellée...
Le corridor végétal
Jardin n°2 de ce festival, ce corridor végétal éblouit d'emblée par ses structures en osier vivant et sa palette végétale dans les teintes grisées et bleutées. Ce microcosme explore la nature qui reprend ses droits sur le minéral. Le duo Ashley MARTINEZ, concepteur paysagiste, et Julie COTE, paysagiste designer représentent la France dans ce décor apaisant et élégant.
Le jardin patchwork
Les Pays-Bas nous emmènent dans une scène d'une belle simplicité, grâce au talent de Annelies DIJKMAN, plasticienne, jardinière et conceptrice de jardins, et Lau HEEMSKERK, jardinière, conceptrice de jardins, et productrice de vivaces. Le jardin patchwork joue sur la linéarité de 4 plates-bandes parallèles, accueillant une flore mellifère et comestible, jouant sur des couleurs chaudes, jaune, orange et rose, ponctué de bleu et de feuillages grisés. Une véritable ode à la biodiversité !
Ce jardin a reçu le prix du jardin transposable le 21 juin dernier.
Le jardin de tuiles
Pour moi l'un des plus beaux cette année, à la fois graphique, ingénieux et coloré, jouant sur le contraste bleu et orange, mettant en avant une idée de récupération de l'eau de pluie par les tuiles traditionnelles, vernissées. C'est un quintet de paysagistes chinois qui est à l'origine de cette belle idée du Jardin de tuiles : Jingshi DIAO, Shilei LU, Shuwen SU, Jiawei LIANG et Kangtai FENG. Chardons, verveines, hostas, fétuques composent un couvert végétal particulièrement ornemental.
Le jardin des chênes
Toujours faisant parmi les premiers jardins arpentés, le jardin n° 6 ou Jardin des chênes m'a ému par son visuel, sobre, et le symbolisme autour de cet arbre vénérable. Les concepteurs anglais, Nicola HILLS, paysagiste-conceptrice, et Anthony HILLS, architecte, se sont appuyés sur le chêne comme arbre champion de la résilience face au changement climatique. Ses 900 ans de vie sont rythmés sur le sol marqué de 9 empreintes, des stipas ondulent autour d'un cœur de glands sculptés, des chênes s'inscrivent comme marqueur du paysage... Précis et intemporel.
Le chant du sel
Ce jardin-là ne passe pas inaperçu ! On s'y attarde ou bien l'on rebrousse chemin, mais c'est certain, on est forcément interpellé par la force du message : Félix DE ROSEN, architecte-paysagiste et auteur, Éric FUTERFAS, architecte, tous deux basés aux États-Unis, et Bruno DEROZIER, pépiniériste rétais revendiquent dans le chant du sel un propos sur l'irrémédiable montée des eaux et de la prise de pouvoir d'une végétation halophile. Sables bleus et eau turquoise titillent l'œil, tandis que la palette végétale spécifique compose une scène presque irréelle.
Le chant du sel a reçu le prix de la création le 21 juin dernier.
Jardin Kintsugi - Pansons (pensons ?) nos blessures
Deux jardins ont puisé cette année leur inspiration dans l'art du Kintsugi, cette technique ancestrale de réparation des céramiques japonaises par de la poudre d'or. Les concepteurs, encore étudiants, Sarah BREGEON, Loïse GUIBERTEAU, Pierre-Henri BLANDINEAU RICHARD, Armand PINOT et Ewen LE THOMAS ont imaginé ici un jardin parcouru de failles de schiste plantées de sédums dorés pour représenter cet or végétal salvateur.
Le jardin Kintsugi - pansons (pensons ?) nos blessures, résume en son intitulé la vocation de ce jardin : réparer par le végétal les cicatrices d'un sol abimé et permettre à la nature nourricière de revivre. Félicitations à ces étudiants qui ont accompli là un travail remarquable de conception et de végétalisation, tout en transparence !
Terre de feu
Certains des jardins sont des cartes vertes, invitations du Festival à certains grands noms du paysage. Pour Terre de feu, c'est Franck Serra, paysagiste consacré maître jardinier à Paysalia en 2021, qui a élaboré une mise en scène pleine d'espoir suite aux traumatismes causés par les incendies dramatiques de 2022. Des tentures rouge symbolisant le feu et les troncs calcinés laissent entrevoir la richesse d'une flore qui renait peu à peu de ses cendres : conifères, érables champêtres, cornouillers... Le cheminement en platelage conduit aussi à une drôle de cabane faite de torchis et d'un lacis de branchages travaillés. Une immersion en rouge et vert particulièrement saisissante !
Mais aussi...
Ce cru Chaumont-sur-Loire 2023 est de haute tenue, et propose des jardins un peu moins conceptuels qu'à une époque, avec un esthétisme retrouvé et une diversité végétale intéressante malgré (ou grâce à) la thématique de la résilience. Parmi les autres jardins, le thème de terre brûlée se retrouve également dans les jardins Cendres fertiles et L'arbre de vie, un jardin de l'espoir (Hortus spei) compose une sorte de jungle urbaine foisonnante, une Forêt sacrée indienne se veut apaisante, le travail du castor inspire un jardin de grumes Derrière les fagots, et l'électroculture s'invite même dans L'alliance des courants...
Le 21 juin dernier, quatre jardins se sont vus remettre un prix spécifique dont le prix de Palette et harmonies végétales pour Derrière les fagots, et celui du Design et idées novatrices pour Demain tout ira bien.
Informations pratiques
Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire
41150 Chaumont-sur-Loire
Tel. : 02 54 20 99 22
Site web : Festival international des jardins | Domaine de Chaumont-sur-Loire (domaine-chaumont.fr)
Tarifs : 20 euros, tarif réduit 12 euros, enfants 6 euros (gratuit pour les enfants de moins de 6 ans)
Ouvert de 10h à 20h, nocturnes en juillet et août tous les jours de 22h à minuit.
Le festival des jardins du domaine de Chaumont-sur-Loire permet également de visiter les jardins pérennes, les prés du Guoualoup, les expositions d'art dans les écuries, et de se balader dans le parc historique du château. Prévoyez au moins 3 h de visite !
Commentaires