Si vous me suivez dans mes diverses pérégrinations sur le blog Promesses de fleurs, vous savez que les îles font partie de mes destinations préférées. Petites ou grandes, que m'importe, elles décuplent ma sensation d'évasion… Il en existe une pas si loin de chez moi que je n'avais toujours pas pris le temps d'aller découvrir : l'île de Bréhat, dans les côtes d'Armor.
Cette petite île accessible depuis la baie de Paimpol est un bijou des côtes bretonnes, dont la flore et l'environnement paisible méritent bien une petite place dans notre blog. Souhaitant l'arpenter hors saison, me voici fin avril sans mon ciré breton, décidée à conjurer le mauvais temps pour découvrir la belle Enez Vriad.

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Une île bretonne, un site protégé, un patrimoine vivant

Bréhat est une île que d'aucuns qualifieraient de paradisiaque. Surnommée l'île aux fleurs ou île fleurie, elle fait partie des îles du Ponant, cette association de quinze îles, depuis l'archipel de Chausey dans la Manche, jusqu'à l'île d'Aix en Charentes maritimes. Elle fait aussi partie de l'archipel de Bréhat, une dizaine d'îles et d'îlots minuscules égrainés tout autour de l'île principale.
En à peine 10 minutes de traversée depuis Ploubazlanec, on débarque à Port Clos, petit port doté de quelques maisons de granit qui regardent vers la mer. L'île est petite, 300 hectares, 3,5 km sur 1,5 km, répartis en deux îlots reliés par un chenal. À peine plus de 400 âmes y vivent à l'année. On visite Bréhat à pied ou à vélo, car les voitures y sont interdites. Je choisis l'option pédestre, car l'île est petite... et le temps menaçant.
Premier site protégé et classé de France en 1907, Bréhat a conservé de très belles demeures, la ravissante église du bourg datant du 12ᵉ siècle, le pont chaussée Vauban de 1695 reliant l'île nord et l'île sud, le Moulin à marée du Birlot, classé monument historique, mais aussi des phares et sémaphores, dont l'emblématique phare du Paon, à la pointe nord est de l'île, avec son petit air de côte de granit rose...
On y croise de temps en temps quelques tracteurs et petites charrettes bien connues des îliens qui disposent là d'un moyen de transport indispensable dans leur quotidien.

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Le moulin à maréedu Birlot (© Pierre Andre Leclercq) et le phare du Paon

Un spectacle naturel

Entourée de récifs, nous voici bien en Bretagne et ses paysages sauvages, adoucis par une végétation généreuse, présente partout où le regard se pose. Le Gulf stream passe finalement non loin de là, ce qui nous vaut cette débauche de verdure. Le terme de micro-climat prend ici tout son sens, et on le mesure en à peine quelques kilomètres de marche, en découvrant une flore venue d'ailleurs. Les bâtisses particulièrement cossues sur l'île, dont beaucoup datent du 17ᵉ ou 18ᵉ, possèdent pour certaines des espaces complètement ouverts sur la mer ou sur les terres, et les clôtures et portails bas permettent de jeter un œil discret sur des jardins pas si secrets. Les sentiers de Bréhat traversent des landes un peu hautes permettant de jouir de belles vues à 360°, avec une mer omniprésente, et ce qui me frappe sur cette île est la perception d'une nature sauvage mais hospitalière, domestiquée juste ce qu'il faut, mettant en valeur le patrimoine bâti et la flore singulière.

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Aeoniums, agapanthes, et arums (photo Gwenaëlle Authier)

L'île aux fleurs

Je visite donc l'île de Bréhat au printemps et me prive en cette fin avril de la vision azurée de ses agapanthes en fleurs, plantées par milliers ici, et qui font la réputation de l'île. Mais ma frustration ne va pas durer bien longtemps. Commençant la balade sous un crachin breton, je range vite mon parapluie. Comme le disent si bien les bretons, "en Bretagne, il fait beau plusieurs fois par jour", encore plus sur ces îles bénéficiant de tout ce dont les plantes raffolent : douceur des températures et alternance de pluie-soleil.
La flore est ici plantureuse et prend des allures exotiques. Les Bréhatins sont d'anciens marins qui ramenèrent des plantes du bout du monde. Elles finirent par s'acclimater à ce climat d'une douceur exceptionnelle.
On y observe la coexistence d'une flore sauvage le long des chemins et sentiers, et de cette flore dépaysante, débordant de chaque jardin et ses murets de pierre. Si certaines plantes sont devenues invasives comme l'ail triquètre, un ail sauvage qui envahit les bas-côtés des sentiers, elles n'en sont pas moins charmantes, arborant leurs fleurs en clochettes blanches rafraichissantes, en pleine floraison en cette fin avril. Je reconnais aussi le maceron qui pousse ici comme un roi, les nombrils de Venus (Umbilicus rupestris), graciles, colonisant les pierres de granit, le lotier corniculé, les ajoncs ponctuant les landes empierrées et les genêts roses ou jaunes, égayant à eux seuls la journée.

Maceron aux fleurs anisées (photo Gwenaëlle Authier)


Partout, les échiums rivalisent de leur stature. L'Echium pininana, arborant les hautes hampes bleues, mais aussi les vipérines de Madère (Echium fastuosum maderense), plus basses, tout aussi fascinantes. En me renseignant auprès de l'office de tourisme, j'apprends qu'une pépinière locale possède d'ailleurs les collections nationales d'Echiums et d'Agapanthes.

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Vipérine de Madère (photos Gwenaëlle Authier)

Chaque jardin ou presque s'enorgueillit de spectaculaires Geranium maderense que j'avais vus il y a deux ans à Madère : les retrouver ici dans toute leur superbe me ravit !

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Polygala et géranium de Madère (photos Gwenaëlle Authier)

Les Aeonium arboreum sont partout en fleurs, offrant un superbe contraste de feuillage pourpre et de floraison acidulée.

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Aeonium arboreum atropurpureum (photos Gwenaëlle Authier)

Il suffit de passer la tête pour admirer les Polygala énormes, les Phoenix canariensis hors norme, les arums en pleine floraison, les Euphorbes mellifères qui s'aventurent même hors des jardins...

Euryops, valériane et soucis, agapanthes, aeonium et arum (photos Gwenaëlle Authier)

Certes, je n'aurais vu que les feuillages aguichants des agapanthes. Car j'ai privilégié de visiter Bréhat hors saison pour cette sensation que j'adore : partir en randonnée, arpenter les chemins, humer les embruns et le goémon... et me sentir seule au monde. C'était bien le cas en ce milieu de printemps, où vous en conviendrez, bien d'autres floraisons d'exception rivalisent de beauté. Je finirai par ces mots d'Erik Orsenna, qui résume comme nul autre le sentiment que l'on ressent là-bas, sur cette île si proche et si lointaine : "Un voyage à Bréhat, c’est mille voyages, ouvrez l’œil et freinez l’allure. La récompense est au bout de la lenteur".