En ce moment j'habite en Allemagne et l'un des bons côtés à ce nouvel état de fait, c'est que le jardin Hermannshof est situé juste à côté ! Si vous ne le connaissez pas encore, je vous propose de le découvrir avec moi…
Un remarquable jardin d'essai
Le dimanche 1er mars était le premier week-end d'ouverture de la saison pour ce jardin exceptionnel, et je n'ai pas attendu plus longtemps pour m'y rendre ! Le "Schau- und Sichtungsgarten Hermannshof" (pour "jardin de démonstration et d'essai Hermannshof") est situé à Weinheim, dans le land de Bade-Würtemberg, au sud-ouest du pays. C'est une région viticole au climat plutôt clément pour l'Allemagne. Aménagé dans le style paysager "à l'anglaise", il abrite de nombreux arbres remarquables, certains rares en Allemagne (par exemple : un mimosa très ancien, c'est dire s'il y fait doux !)
Mais aujourd'hui, c'est avant tout l'un des jardins à la pointe de l'expérimentation sur l'utilisation des vivaces. Elles y sont groupées en fonction de leurs milieux d'origine (steppe, prairie, sous-bois…). Je dis bien "milieux", et non régions d'origine, car ce sont deux choses bien distinctes : il y a par exemple 5 régions dans le monde où le milieu naturel est très comparable à celui du bassin méditerranéen, comme en Australie, d'où vient justement le mimosa ! Ainsi traitées avec beaucoup d'égard par rapport à leurs besoins essentiels, on peut attendre des vivaces qu'elles se développent bien sans nous demander beaucoup de travail, comme dans la Nature : c'est ce que les jardiniers d'Hermannshof veulent étudier et faire connaître, tout en développant des applications pratiques pour aménager des espaces verts (publics ou privés) attractifs et durables.
Petits bulbes et grandes hamamélidacées
Voici pour la présentation générale, et maintenant poussons donc le portillon ensemble pour la visite ! En cette sortie d'hiver, c'est un tapis de crocus de Tommasini (Crocus tommasinianus) et d'aconites d'hiver (Eranthis hyemalis) qui m'accueille de ses couleurs vives. On les discerne à travers les cépées de plusieurs beaux spécimens de Parrotia persica à l'écorce décorative. Ceux-ci sont eux aussi encore en pleine floraison "discrète mais coquette"… et me permettent de faire un clin d'œil à mon premier billet sur ce blog ! Attiré par un parfum capiteux, je prends le sentier à droite pour tomber nez à nez avec un immense Hamamelis mollis, planté en 1960. De peur qu'il se sente seul ? les jardiniers ont aussi planté un peu plus loin la variété 'Weserbergland', un hybride aux grandes fleurs d'un ton de jaune un peu plus clair.
Embardée dans les steppes
Alors que je continuais de me laisser "glisser" sur le tapis de Crocus et d'Eranthis qui s'étend à perte de vue dans les massifs autrement dénudés, je fais une embardée volontaire vers le milieu de "steppe" et de la prairie sèche nord-américaine, où les vivaces n'ont pas encore été rabattues. Leurs inflorescences sèches forment une composition graphique dans des tons d'argent, de beige, de brun… dont on ne profite qu'en automne et en hiver et qui brillent sous les rayons du soleil. Par un heureux hasard, le soleil vient juste de pointer le bout de son nez : le massif s'illumine d'un coup, on dirait presque un feu d'artifice ton sur ton !
Je fais encore un détour par la pelouse pour admirer de plus près ce groupe remarquable de magnolias de Soulange, qui complètent joliment le tableau des vivaces et graminées des steppes en lui offrant l'arrière-plan de leurs branches ouvragées couvertes de boutons argentés et duveteux. A leur pied c'est encore un tapis de crocus et d'Eranthis, complété cette fois par le blanc des perce-neiges (Galanthus nivalis). Trois petits bulbes précoces parfaits pour la plantation sous les arbres ! Retenez bien, l'espèce Crocus tommasinianus est la seule qu'on peut planter à l'ombre, toutes les autres réclament du soleil !
Du soleil, comme on en trouve dans la steppe rocheuse méditerranéenne, vers laquelle je me dirige. Sur ce massif un peu surélevé pour le drainage et qui fait face à son opposé, l'étang et la prairie humide, je trouve d'autres petits bulbes précoces trop souvent sous-estimés : les Iris reticulata. Comme de tout petits Iris de Hollande, ils sont délicats en apparence mais bravent pourtant les derniers frimas de février-mars sans faillir ! Cette partie du jardin se réveille à peine, je remarque des Crocus chrysanthus 'Cream Beauty' sur l'autre versant, toujours au soleil, et le feuillage d'un bergénia 'Sunningdale' qui a pris une jolie teinte rouge pourpre. Avec ses larges feuilles brillantes, il est parfait dans sa position d'avant-plan pour un gros buisson argenté de santoline.
Trésors des sous-bois
Le milieu des sous-bois et lisières dans lequel je propose de nous enfoncer maintenant est encore clair à cette époque, les arbres caducs n'ayant pas encore revêtu leur feuillage. On profite d'autant mieux de l'écorce des érables : rouge, lisse et brillante chez Acer x conspicuum 'Phoenix'; brun-cuivre, parcheminée, exfoliée chez Acer griseum. J'y retrouve à nouveau les 3 petits bulbes du jour : crocus, Eranthis, et différentes espèces et variétés de perce-neige (Galanthus spp.). Plus un piège ! La nivéole de printemps (Leucojum vernum) qui ressemble à perce-neige en plus gros. Encore un bulbe facile et beau qu'on ne plante pas assez souvent dans nos jardins.
On trouve aussi des vivaces fleuries, avec les hellébores en tête. Hellébores hybrides d'H. orientalis bien sûr, mais aussi toute une collection d'espèces botaniques (telles qu'on les trouve dans la nature) que l'on n'a que trop rarement l'occasion de voir ! Des pulmonaires aussi, mais pour l'instant elles sont encore dans les "starting-blocks". Les panicules sèches d'un hortensia (Hydrangea 'Early Sensation') scintillent ici aussi dans des tons fauves. Tout comme celles, argentées, de la monnaie-du-pape dans sa version vivace (Lunaria rediviva) : en plus de son côté vivace, elle se distingue de la bisannuelle par des siliques plus allongées et une floraison rose lilas. Enfin, discrets mais indispensables, toute une panoplie de feuillages qui viennent faire écrin à ces floraisons précoces : Arum italicum, Euphorbia amygdaloides 'Purpurea', luzules, carex...
Je tombe alors sur 3 petits "patchs" ouvragés au milieu d'un tapis de lierre : c'est un exemple des essais pratiqués ici sur les plantations en mélange de vivaces ("Staudenmischpflanzungen", en allemand dans le texte, je n'y résiste pas, ça sonne tellement bien !). Ce sont donc ici 3 combinaisons de vivaces adaptées au milieu de sous-bois, qui créent un tableau harmonieux et coloré, et qui vont être observées ainsi en place durant 5 années, afin de bien s'assurer de leur pérennité.
Avant de découvrir la partie opposée du jardin, je me retourne pour admirer la vue : Hermannshof est un jardin "à flanc de colline" qui ménage de superbes vues sur la ville et le paysage alentours.
L'Amérique !
De l'autre côté de la villa, ce sont les milieux d'Amérique du Nord qui sont à l'honneur, et en particulier la prairie haute avec des vivaces de 2 mètres de hauteur. Malheureusement, ce sont aussi des vivaces tardives en floraison et à cette époque, il n'y a rien à voir : il faudra revenir (et j'y compte bien!)
Heureusement, il y a encore des sous-bois en lisière du jardin qui nous réservent quelques trouvailles : quelques carex, les restes des frondes fertiles de la fougère Matteuccia orientalis qui évoquent des plumes de paon… Un très bel hamamélis 'Arnold Promise' en pleine floraison, dont la floraison d'un jaune pur et lumineux s'accorde avec le feuillage marcescent d'un chêne rouge d'Amérique (Quercus coccinea). L'astuce à reproduire : cette scène se détache bien sur fond de feuillages persistants, comme ici celui des ifs qui entourent le jardin.
Enfin alors qu'on retourne vers des milieux de type méditerranéen sur lesquels s'achèveront la visite du jour, un très beau tapis de cyclamen de l'île de Cos (Cyclamen coum) aux fleurs dans tous les tons du blanc au rose pourpré. Moins connu que le cyclamen de Naples (Cyclamen hederifolium), il le complète bien car ce dernier fleurit lui à l'automne. Je partage encore avec vous une photo de la "garrigue méditerranéenne" plus vraie que nature, pour vous donner un avant-goût des floraisons qui vont démarrer bientôt avec les Euphorbia characias et bien d'autres, que je retournerai photographier dans les prochaines semaines….
La contre-visite
Pile 3 semaines plus tard, j'ai procédé à la contre-visite, et avec du soleil cette fois-ci ! Peu de temps s'est écoulé, mais le jardin a déjà subtilement évolué : à l'entrée, ce n'est plus un tapis de crocus et d'helléborines qui m'accueille mais une mer bleue de Chionodoxa luciliae (surnommés aussi "gloire-des-neiges") dans laquelle "nagent des petits poissons", je veux dire par là qu'ils sont associés à la floraison rose du Corydalis solida, encore une espèce bulbeuse peu connue mais pourtant facile dans (presque) toutes les situations. De temps en temps, un peu plus au soleil, je rencontre aussi comme des petits morceaux de porcelaine, il s'agit des Scilla mischtschenkoana. Et oui, encore un nom barbare pour une floraison pourtant si délicate.
L'immense Hamamelis mollis de l'entrée est maintenant fané, mais un Cornus mas tout aussi vénérable a pris le relais. A ses pieds, quantité de primevères des jardins qui se ressèment toutes seules. Dans les massifs, les dernières graminées ont été taillées et le feuillage des vivaces sort de terre… mais d'abord ce sont des tulipes qui vont occuper le terrain : vu le nombre de pousses que j'ai pu observer, je m'attends à un spectacle digne du Keukenhof en Hollande ! Les bulbes vont encore occuper le terrain pendant un mois ou deux, en se relayant du plus petit au plus grand : d'abord les crocus et les perce-neiges, maintenant les chionodoxas, des scilles et beaucoup de narcisses, ensuite les tulipes !
Le ballet des arbustes précoces se poursuit en lisière des sous-bois avec la floraison des corylopsis (faux-noisetiers) : Corylopsis pauciflora, au port étalé et de taille modeste ; Corylopsis himalayana, aux épis tombants jaune brillant ; Corylopsis spicata, l'espèce la plus courante reconnaissable à ses étamines rouges. Il y aussi un beau groupe de Stachyurus praecox, un autre arbuste rare dont la floraison avant l'apparition du feuillage ressemble un peu à celles des Corylopsis. Les hellébores, même s'ils ont commencé à fleurir il y a longtemps, sont maintenant au sommet de leur floraison. Il en existe aujourd'hui dans presque toutes les couleurs, mais je trouve que ce sont encore les blancs qui font le plus d'effet.
Je remarque en plus de nouvelles espèces botaniques que j'avais manquées la dernière fois, dont un pied d'Helleborus cyclophyllus à la floraison d'un vert plus clair que les autres : saviez-vous que c'est en semant les graines de plantes telles que celles-ci et en les sélectionnant sur plusieurs générations que l'on a obtenu les hellébores jaunes ?
Je vous propose de conclure fort à propos en vous invitant à "tomber en arrêt", comme je l'ai fait en visitant, devant ce très beau spécimen d'Edgeworthia chrysantha, habilement positionné près d'un accès à la villa, si bien que personne ne peut le manquer.
Rendez-vous dans quelques semaines pour la suite !
Jessica, le 9 Avril 2015
Rien que d’apercevoir ces images, on ressent déjà le vent printanier souffler à travers l’écran de l’ordinateur. Et c’est d’ailleurs toute la magie opérée par les plantes vivaces qui donnent une lueur d’espoir malgré l’hiver qui a perduré ces derniers mois. Moi qui suis une adepte de l’eau d’hamamélis en tant que soin, j’ai un gros coup de cœur pour cet immense Hamamélis mollis qui est l’incarnation de la splendeur des plantes vivaces.
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