De temps à autre, nous voyons débarquer un petit groupe de personnes à la pépinière. Ils sont toujours au nombre de trois : le premier, alourdi par son matériel, se réjouit toutefois de la lumière rasante sur les feuillages et les floraisons, le second plisse les yeux et tend l'oreille attentivement pour vérifier qu'il n'y a pas trop de bruits incongrus pour son enregistrement (scoop : il y en a toujours !) et le dernier, quant à lui, le sourire aux lèvres et un petit mot pour chacun d'entre nous, nous aborde dès potron-minet avec une énergie et un enthousiasme débordants. Ce dernier personnage, c'est Philippe Collignon, le journaliste, réalisateur et chroniqueur jardin bien connu, notamment sur France 2 et France 3 (Télématin, Tout un programme...). Et nous avons profité de l'un de ses (trop peu nombreux) passages chez nous pour lui poser quelques questions, lui "tirer les vers du nez".
Qui êtes-vous donc Philippe Collignon ?
"Je suis issu d'un milieu populaire, d'un père maçon et d'une mère femme au foyer dans des HLM. Mais, mon grand-père avait un jardin d'ouvrier et, à partir de quatre ans, j'y passais du temps tous les weekends. Bien entendu, nous servions alors de main d'œuvre gratuite : les arrosoirs à apporter, la pompe manuelle à actionner... Et puis, quelques années plus tard seulement, le jardin est vraiment devenu une passion. Tant et si bien, qu'à partir de 10-11 ans, je connaissais un grand nombre de noms latins, car je passais mon temps à lire les magazines de jardin et les catalogues de vente par correspondance."
Une carrière toute tracée ?
"Tout petit, je voulais être chef d'orchestre. Et je passais des heures devant un miroir à diriger un orchestre imaginaire. Mais, finalement, j'ai fait des études dans le monde du paysage et de l'agronomie. Puis, je suis devenu prof à Lyon tout en créant ma propre boîte de paysagisme. Et enfin, j'ai tout plaqué à Lyon pour monter à Paris après avoir déjà travaillé à la télévision. Et donc la vie médiatico-jardino-écolo est vraiment arrivée à ce moment-là"
Et votre tout premier jardin : quel était-il ?
"À partir de huit ans, j'ai eu ma petite parcelle. C'était un peu fouillis : des haricots, quelques pieds de tomates, des fleurs... et même des arbres et arbustes que j'allais déterrer au bord des chemins ou de l'eau. Et puis, lorsque mon grand-père est décédé, c'est moi qui ai repris et entretenu son jardin. Et à partir de ce moment-là, j'ai fait beaucoup dépenser mes parents chez les revendeurs de plantes par correspondance. Et, à l'époque, quand on commandait des plantes en VPC, on était souvent déçu. La promesse était magnifique, mais ce qu'on recevait alors était moche ou ne correspondait pas du tout à la photo."
Vous étiez, très tôt, un adepte des jardins naturels ?
"À l'époque de mon grand-père, c'était le potager qui primait avec des lignes de légumes bien espacées, bien droites, bien organisées. On ne pensait pas à l'époque aux associations bénéfiques, au compagnonnage... Cela fait longtemps que je m'intéresse à tout cela, et notamment au sol. Il faut connaître son sol : c'est capital ! Acide, basique, neutre, humifère, pas humifère, sableux, lourd, caillouteux... Quand, on ne connait pas le sol de son jardin, il faut le faire analyser pour le comprendre, puis l'améliorer, grâce à du paillage, du brf, du compost... Ce sont les vers de terre qui labourent et pas le motoculteur ! Donc, dépenser une centaine d'euros pour une analyse complète de son sol peut vous faire gagner au final des milliers d'euros d'achat de plantes inadaptées à votre terrain. La bonne plante au bon endroit."
Suivez le bon conseil de Philippe Collignon et procédez à une analyse de sol : à l'aide d'un kit d'analyse ou une analyse professionnelle.
Une anecdote de tournage peut-être ?
"Pas vraiment une anecdote de folie à raconter. On rigole, on bafouille, on mord un mot... des choses comme ça. Mais, moi, ce qui m'intéresse dans les tournages, c'est de rencontrer des gens, des personnalités. Les gens dans le monde du jardin possèdent une qualité d'âme exceptionnelle. Il faut dépasser l'idée du jardinier un peu bourrin. J'ai très souvent rencontré des gens avec une grande culture au sens large. Être jardinier aujourd'hui, ce n'est pas juste creuser un trou : c'est une passion qui réclame de grandes connaissances sur les plantes, sur son sol, sur la nature... On a les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles. Pour résister dans notre monde actuel, qui est loin d'être rose, je pense que jardiner, être proche de la nature, c'est être ancré dans le sol, mais c'est aussi rêver, imaginer. Est-ce que la beauté sauvera le monde ? Je pense que oui. Mais, en tout cas, le beau, on le retrouve chez les gens du jardin et dans les plantes qui nous entourent."
Pour la route : quelle est votre plante préférée, le coup de cœur du moment ?
"Le bergénia ! C'est une plante que j'ai rencontrée dans les cimetières, dans des rocailles, dans des sols ingrats... Pour moi, c'est la plante du débutant. Ce sont des plantes simples, rustiques et qui sont résilientes face aux changements climatiques. Le bergénia va résister à un été catastrophique, un printemps froid, un hiver humide... Il n'y a plus de saison marquée, alors, plus encore que la rusticité, c'est avant tout la flexibilité, l'adaptation, d'une plante qu'il faut prendre en compte. "
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