Tourisme végétal : des arbres remarquables à voir en Auvergne Rhône-Alpes

Qu'est-ce qui définit vraiment un arbre remarquable ? Son âge vénérable ? Sa taille ou son envergure hors normes ? Son espèce devenue rare ? La petite ou la Grande histoire qui s'y rattache ? Les conditions étonnantes qui ont conduit à sa plantation ? Quelles que soient les raisons qui font de cet arbre une exception, il attise la curiosité, suscite l'admiration, voire la fascination, par sa majesté, son aura, ou simplement sa particularité. Partons ensemble à la découverte de quelques-uns de ces arbres qui savent se faire remarquer en région Auvergne Rhône-Alpes (AURA).

La Pinatelle du Zouave à Polignac en Haute-Loire (43)

Aux portes du Puy-en-Velay, juchée sur un promontoire volcanique, se dresse la forteresse de Polignac. Classé monument historique, ce château médiéval fait la fierté de la petite commune, déroulant à ses pieds un paysage magnifique. Mais Polignac peut se targuer de posséder une autre curiosité, la pinatelle du zouave (Le Zouave étant un hameau, et non le soldat d'infanterie !).

Labellisé en 2012 par l'association A.R.B.R.E.S, ce site abrite une petite forêt de pins sylvestres, qui frappent par leur aspect noueux, tordus, tortueux...

Autrement nommés Pins de boulange, ces arbres ont été taillés et façonnés à hauteur d'homme pour récupérer le petit bois, réuni en fagot, qui servait à alimenter les fours des boulangers de la ville.

Stoppée dans les années 1950, cette exploitation permettait aux paysans d'arrondir leurs fins (faims) de mois difficiles. Et ce depuis le tout début du 19e siècle. Autant dire que derrière l'aspect difforme de ces pins, véritables éléments du patrimoine végétal, qui ne dépassent guère 2 à 2,50 m (une taille acquise en 50 à 60 ans !) se cache un pan entier de l'histoire du Velay.

Se promener entre ces troncs malmenés revêt un côté magique, presque mystique. D'autant plus si vous êtes seul et que souffle la « burle ». Vous croiserez peut-être un troupeau de moutons noirs du Velay...

Le Tilleul de Sully d'Inimond dans l'Ain (01)

Assurément ce tilleul a de l'allure ! D'une part parce qu'il trône fièrement au-dessus du village d'Inimond, une petite bourgade perchée sur les contreforts du Bugey. Ensuite, parce qu'il affiche plus de 400 ans. Ce tilleul aurait en effet été planté en 1601 "pour symboliser la paix avec les habitants des terres conquises (la Savoie) qu'il demanda que chaque village qu'il demanda que chaque village dresse un arbre, après la guerre contre le duc de Savoie" dixit le panneau explicatif. « Il » étant Henri IV qui nomme Sully, surintendant des Finances. Ce dernier, attaché aux traditions agricoles et mécène d'Olivier de Serres, fera planter nombre de tilleuls partout en France. Beaucoup sont encore debout !

Bref, le tilleul d'Innimond mérite un détour de par sa circonférence de 5,50 m et sa hauteur de 13,50 m. Il est d'ailleurs labellisé Arbre remarquable depuis 2005.

Les chênes de la Forêt de Tronçais dans l'Allier (03)

Aménagée par Colbert pour constituer une réserve de bois pour la marine, cette forêt de Tronçais s'étale sur 11 000 hectares. Autant dire que la parcourir à pied, à vélo, en cani-kart, cani-rando ou cani-raquette ne se fait pas en un jour ! On peut aussi s'y rendre, entre chien et loup un soir d'automne, pour vibrer aux sons du brame du cerf.

Mais ce qui fait surtout le charme de cette forêt, labellisée Forêt d'exception® depuis 2018, ce sont ses arbres. Et quels arbres ! Des chênes impressionnants par leur taille, leur âge, leur forme... 19 d'entre eux sont d'ailleurs reconnus comme Arbres remarquables. Parmi lesquels : 

• Le Chêne sentinelle et ses 450 ans

• Les jumeaux nés de la même souche

• Le Stebbing planté au XVIIe siècle

• Le Chêne carré, surnommé la Tour Eiffel...

Le tilleul des Vouillants à Seyssinet en Isère (38)

Au cœur du bois des Vouillants, entre plaine et Vercors, les sentiers de randonnée sont nombreux pour partir à la découverte des richesses botaniques. Parmi ces curiosités végétales, le Senior des Vouillants vous accueille. C'est un tilleul vénérable qui aurait vu Jean-Jacques Rousseau philosopher sous sa ramure. Il faut dire que le Sage a plus de 250 ans ! Et que le site des falaises des Vouillants se prête particulièrement bien aux Rêveries d'un promeneur solitaire.

Haut de 20 à 25 mètres, il est doté d'un tronc tout en bosses, gîtes appréciés d'une faune nombreuse.

Le Sapin géant du massif du Pilat près de Saint-Étienne dans la Loire (42)

Petite parenthèse de chauvinisme puisqu'on fait un petit détour par chez moi ! Plus exactement au cœur du Massif du Pilat, dans la forêt domaniale de Saint-Étienne. Dans une petite vallée, le Pont Souvignet enjambe le Furan qui prend sa source non loin de là et va grossir la Loire, après avoir traversé la ville (tout en discrétion).

L'altimètre affiche 1041 m, la balade sera belle pour atteindre le maître des lieux. J'ai nommé le Sapin Géant de Tarentaise (avec un S s'il vous plaît, comme dans les Alpes !). Et il ne fait pas mentir son qualificatif ce sapin tant ses dimensions sont impressionnantes : plus de 43 mètres de hauteur, plus de 4 mètres d'envergure pour un sapin sous lequel on se sent si peu de choses. Planté au début du règne de Louis XV, c'est-à-dire dans les années 1710, il affiche une belle santé. Il faut dire qu'il est bien entouré de ses congénères tous plus beaux et majestueux les uns que les autres.

Le peuplier noir de Charmes-sur-L'Herbasse dans la Drôme

Ce peuplier noir (Populus nigra) sait se laisser désirer puisqu'il faudra marcher dans la vallée de l'Herbasse pour le découvrir. Et croyez-moi, il vaut le détour. Difficile même de le rater tant il affirme sa présence, isolé qu'il est ! Pourtant, ce respectueux monsieur, à priori âgé de 175 ans, a su résister à bien des offensives de l'Herbasse, des tempêtes, de sa popularité... Certes, il montre quelques signes de fatigue mais il reste droit ! Il peut même s'arroger le titre de plus gros arbre du département de la Drôme avec ses 9,65 m de circonférence, une circonférence ramenée à un peu plus de 9 m après la chute d'une de ses branches charpentières en 2014.

Le sequoia de Vals-les-Bains en Ardèche (07)

Ce séquoia-là affiche aussi des dimensions extraordinaires qui permettent d'affirmer qu'il est le plus grand arbre d'Ardèche ! Et certainement le plus grand Sequoia sempervirens de France. Situé sur la petite commune thermale de Vals-les-Bains, ce jeunot (il n'a que 150 ans !) culmine à 53,5 m de hauteur et affiche un tour de taille de 9 m. Et il a encore de beaux jours devant lui puisque cette espèce de séquoia à feuille d'if peut atteindre 115 m de hauteur et 24 m de circonférence.

Certaines sources affirment qu'il aurait été planté en 1867, à une époque où les séquoias étaient importés de Californie pour orner les parcs publics et les espaces arborés des maisons bourgeoises. Celui-ci aurait été mis en terre à l'occasion de l'ouverture des Thermes de Vals-les-Bians.

Quelque peu malmené par la nature en mars 2022, il reste pourtant fièrement planté au milieu d'un paysage urbain.

Le ginkgo à chichis d'Annecy en Haute-Savoie

Voilà encore un arbre qui mérite qu'on lui jette un regard, non pas pour sa taille ou sa majesté mais pour ses chichis. Oui oui des chichis, c'est-à-dire des mamelles ou des stalactites, en bref des excroissances qui retombent de son tronc apparaissant sur certains Ginkgo biloba, le fameux arbre aux 40 écus, plus que centenaire.

Si vous voulez admirer ce phénomène de la nature, c'est du côté de la vieille ville qu'il faudra diriger vos pas, sans trop vous éloigner du lac, dans les Jardins de l'Europe. Certes, il n'atteint pas des sommets mais il culmine tout de même à 24 m de hauteur et affiche un tour de taille de presque 4 m.

Plusieurs hypothèses expliquent le développement de ces chichis : racines aériennes ? Branches dormantes ? Bacille ? Symptôme de vieillissement ? Le mystère reste entier. C'est pourquoi ce Ginkgo mérite peut-être une petite visite.

Pour aller plus loin

• Le site de l'association A.R.B.R.E.S
• Le blog Les têtards arboricoles
• Le livre Les arbres remarquables en Isère de Christophe Périnot, sorti en 2022 aux Éditions Museo
• Le livre Les arbres remarquables de l'Ain d'Agnès Ducaroy sorti en 2011 aux Éditions Patrimoine de l'Ain
• Le livre Du Mont-Blanc au Léman, arbres remarquables de Haute-Savoie co-écrit par Denis Jordan, Gilberte Lack, Claude Lebahy, Tristan Meudic, Robert Moutard sous la direction de Henri Rougier, paru aux Éditions du Belvédère