La région Normandie est constituée de 5 départements, dont 3 sur les côtes de la Manche, aux paysages contrastés de bocages, marais, de forêts et de quelques beaux reliefs, de plages, de criques et de falaises. Dotée d'un climat océanique assez pluvieux, elle est riche de nombreux arbres vénérables, d'âge respectable, fascinants et majestueux, que nous vous invitons à découvrir. Tous ces arbres sont accessibles pour venir les admirer.
Bayeux : le hêtre pleureur
Au cœur du Jardin Botanique de la ville de Bayeux dans le Calvados, on trouve un arbre étonnant et mystérieux. Nommé hêtre pleureur, Fagus sylvatica 'Pendula', en raison de son aspect, il est plus probable que ce soit en fait un hêtre tortueux, Fagus sylvatica tortuosa, greffé sur un tronc de hêtre commun. Le doute n'a pas été levé sur son origine, pas plus que sur son âge, bien qu'on estime qu'il a environ 160 ans. Sa pousse a été conduite sur une charpente métallique soutenue par des poteaux, ce qui confère à son houppier une envergure impressionnante de 40 m² et une couverture estimée à 1250 m². La charpente a été plus récemment remplacée par un système de mats et de haubans afin de libérer l'arbre en passant par un audacieux défi technique. Dans ce beau jardin botanique aux nombreux arbres d'intérêt, ce spécimen rare peut se targuer d'être l'un des plus étonnants de France et fait l'objet d'une surveillance attentive. On vient l'admirer au moins deux fois : en hiver nu pour sa fascinante ramure noueuse ou en été chargé de feuilles pour une impression très différente. C'est un arbre classé monument naturel en 1932 et il a obtenu le label « Arbre remarquable de France » en 2000. En mars 2020, lors d'un fort coup de vent, il a subi la chute d'un pin haut de 35 m qui a endommagé ses branches et définitivement modifié son allure, sans remettre en cause sa belle existence.
Fervaques : le platane d'Orient
Le plus vieux platane d'Orient de France trône dans la cour du château de Fervaques dans le Calvados. Tout à fait accessible, puisque ce château, le Kinnor, est aujourd'hui un centre d'hébergement et un lieu de culture pour tous. Ce Platanus orientalis, possiblement rapporté par les croisés revenant de Jérusalem, est âgé de plus de 500 ans. Son tronc a une circonférence de 14 m, il a été mesuré que 21 enfants de 8 ans se donnant la main peuvent en faire le tour. Il fait 25 à 28 m de hauteur et 36 m d'envergure. Ainsi, son ombre à midi couvre 1000 m². De sa forme conique et de son pied en "patte d'éléphant" se dégage une impression de puissance remarquable et une incontournable élégance. Il a été labellisé « Arbre remarquable de France » en 2003 par l’association A.R.B.R.E.S (tout comme un hêtre pourpre situé dans ce même château) et nominé comme arbre de l'année en 2013. C'est toutefois un autre platane d'Orient de Normandie qui a gagné ce concours qui récompense les plus beaux arbres de France, en 2016. Situé sur la commune de L'Aigle dans l'Orne, il est entouré d'une petite rivière et accompagné d'un deuxième platane de même calibre. Ces deux sujets ornais sont tricentenaires, très vigoureux et dotés de forte stature et de belles qualités esthétiques. Ainsi, trois platanes d'Orient sont à visiter et admirer à 50 km de distance.
Allouville-Bellefosse : le chêne chapelle
Vieux de 13 siècles, un des plus vieux arbres de France, le fameux chêne pédonculé (Quercus robur) d'Allouville-Bellefosse en Seine-Maritime abrite dans son tronc évidé deux petites chapelles superposées. La première fut aménagée en 1696. Ayant traversé les siècles, il ressemble aujourd'hui autant à un édifice construit un peu étrange qu'à un arbre : consolidé par une structure métallique, des câbles et des protections, il est aussi affublé d'un escalier en colimaçon et de différentes pancartes. Haut de 18 m pour une circonférence de 15 m au sol, il est couvert de bardage en bois de chêne après avoir été plusieurs fois frappé par la foudre. Creux et fragile, il est aussi soutenu de diverses béquilles et autres aménagements intérieurs pour l'aider à résister aux intempéries et au temps qui passe. Il a été classé monument naturel en 1932. En 2001, ce chêne a obtenu le label « Arbre remarquable de France ». En 2021, un prix d'honneur au concours de l'arbre de l'année a été décerné à Robert Bourdu, professeur de physiologie végétale, pour son implication dans le sauvetage de cet arbre.
La Haye-de-Routot : les deux ifs, chapelle et oratoire
À La Haye-de-Routot dans l'Eure, deux ifs communs (Taxus baccata) ont, eux aussi, été aménagés dans leur tronc creux, l'un en chapelle, l'autre en oratoire. Érigés au centre du village dans le cimetière de l'église Notre-Dame, ils ont au moins mille ans et sont parfois donnés entre 1400 et 1600 ans. Dotés de houppiers phénoménaux, l'un abrite depuis 1866 une chapelle Sainte-Anne et l'autre, dans son tronc creux comme une petite grotte, un oratoire dédié à Notre-Dame de Lourdes depuis 1897. D'importants travaux discrets ont été entrepris pour les préserver, et leur tronc creux depuis des siècles n'affecte pas leur chance de survie. Ce sont deux très beaux arbres, qui dépassent les 10 m de circonférence, spécimens exceptionnels d'une essence fréquente en Normandie. Ils ont reçu le label « Arbre remarquable de France » en 2001.
Estry : l'If
Encore un if, funéraire aussi, comme tant d'autres en Normandie, plus que millénaire puisque l'If d'Estry dans le Calvados est estimé avoir jusqu'à 1600 ans. C'est aussi un des arbres les plus vieux de France. Ce gros arbre trône au milieu du cimetière de l'église et impressionne par sa taille. D'une circonférence de 11,50 m à 1 m de hauteur et d'une hauteur de 15 m, il présente les critères morphologiques des spécimens très anciens : tronc évidé, teinte marron-brique, branches massives. Il continue de croître, lentement, mais sûrement. Il a été nominé en 2011 pour le concours de l'arbre de l'année. Son tronc large et totalement creux peut contenir 10 personnes. Il est encadré de deux grosses branches horizontales de 15 m de long lui conférant une allure majestueuse et on a retrouvé des racines de l'arbre à 30 m de distance. Son houppier forme un énorme parapluie et il a parfois abrité des messes, lorsque l'église n'était pas assez grande pour accueillir l'ensemble des fidèles. Il a été labellisé « Arbre remarquable de France » en 2009 par l'association A.R.B.R.E.S.
Bouquetot : la "Belle Épine"
La renommée de l'aubépine séculaire de Bouquetot s'étend au-delà des frontières du département de l'Eure. Cette aubépine blanche commune, aussi nommée ici "la Belle Épine" a aujourd'hui entre 600 et 700 ans, plantée vers 1360 d'après la tradition. Il était autrefois répandu dans les campagnes normandes de planter des aubépines pour délimiter des parcelles, les propriétaires ayant confiance dans leur longévité pour s'assurer de la pérennité d'un territoire. En 1891, elle a été mesurée à 2,21 m de circonférence à 1 m pour une hauteur de 3,78 m. Le tronc est creux, soutenu à l'intérieur par des supports depuis 1860. Elle est régulièrement taillée en bol depuis cette même époque. Vaillante, elle fleurit chaque année. Elle a été classée « Arbre remarquable de France » en 2001 par l'association A.R.B.R.E.S.
Château de Gonneville : le chêne-liège
Situé dans la Manche, le château de Gonneville, plus vieux château de la région du Val de Saire, est agrémenté d'un magnifique arbre insolite et exotique : un chêne-liège (Quercus suber). Espèce très peu commune pour la région, originaire d'Afrique du Nord, elle est présente dans le sud de la France, dans le sud des Landes, dans le Var et en Corse. On retrouve donc ce beau chêne ici, dans le Cotentin, qui bénéficie certes d'un climat plus doux qu'ailleurs en Normandie, où l'on croise d'ailleurs régulièrement une flore australe. On sait qu'il a été planté fin XVIIIe siècle, en des temps troublés qui ne permettent pas d'en savoir beaucoup plus sur son histoire. On sait qu'il n'a pas été exploité. Planté comme arbre d'agrément, on est surpris de la présence de cet arbre tricentenaire exotique bien avant la mode des jardins d'acclimatation. Le spécimen est imposant, 6,5 m de circonférence à 1,30 m du sol, 11 m de haut et 14 m d'envergure. Le tronc, à l'écorce épaisse et crevassée de liège, est divisé en deux et offre un port harmonieux pour son âge. Il bénéficie d'un emplacement de choix, parfaitement mis en valeur, installé sur une terrasse et entouré d'un muret de pierre où il domine une grande pelouse. Ses petites feuilles laissent bien voir la majesté de sa silhouette.
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