J'ai visité... les lacs italiens côté jardin

Cet été, je suis partie en vacances dans la région des lacs italiens, entre Piémont, Lombardie et Vénétie. Un très beau périple m'a permis de visiter des jardins d'exception, même si ce n'était pas la meilleure saison pour le faire. Les jardins des célèbres villas italiennes autour des lacs de Côme, Majeur et de Garde sont en effet connus pour leurs remarquables floraisons printanières. Qu'à cela ne tienne, car la vision romantique de ces lacs en cette fin d'été m'a laissé rêveuse, en adoration totale devant des paysages à couper le souffle !

Les rives des lacs italiens ont été prisées par la bourgeosie et la noblesse qui, à partir du 18ᵉ siècle, y ont fait bâtir de somptueuses villas, chaque nouvelle construction rivalisant avec sa voisine. Et qui dit villas, dit jardins !
Voici la première carte postale de ce voyage au-delà des Alpes : je vous emmène dans un premier temps sur lac Majeur, à la découverte des îles jardin de l'Isola Madre et de l'Isola Bella, puis nous irons visiter le sublime jardin botanique de la villa Taranto.

Commençons par deux îles jardin situées sur le lac Majeur, l'Isola Madre et l'Isola Bella. Faisant toutes deux partie des îles Borromées, et bien que très proches en bateau (10 minutes les sépare), elles sont radicalement différentes. On y accède depuis plusieurs embarcadères sur le lac, notamment celui de Stresa, le plus près.

L'Isola Madre

Ce fut ma première visite, et je dois dire qu'elle m'a enchantée. Décrite par Flaubert comme "le lieu le plus voluptueux du monde", cette île est la plus grande du lac Majeur, d'une superficie de 8 hectares. Elle constitue en fait à elle seule un immense jardin, agrémenté d'une villa grandiose qui se visite et de laquelle on bénéficie de très belles vues sur le jardin et le lac.

Le jardin tel qu'on le voit aujourd'hui a été aménagé au début du 19ᵉ siècle. C'est un jardin à l'anglaise, devenu un jardin botanique fabuleux, paisible et secret. L'Isola Madre fait partie des jardins botaniques les plus anciens et les plus riches du pays, planté d'essences rares et exotiques, qui se sont acclimatées au climat privilégié des lacs, à l'instar des Proteas qui sont rassemblés sur une terrasse. Tout m'a séduit dans ce jardin flottant où l'on croise des oiseaux bigarrés et où l'on assiste à la parade des paons, comme sortis d'un autre temps. Nous sommes heureusement arrivés à nous frayer un chemin avant les groupes, et profitons d'une quiétude captivante, et de l'incroyable intimité des lieux...

Les camélias taillés forment de véritables murs et couloirs végétaux, impressionnants. Les rhododendrons ne sont pas en reste, eux aussi gigantesques. Je rêve de revenir un jour au printemps ! Les palmiers, fougères arborescentes, bambous et eucalyptus nous plongent dans un ailleurs délicieux. Il y a aussi des cyprès chauves, d'énormes Cephalotaxus et d'autres essences plus communes chez nous comme les Magnolias et Styrax.

Autour du palais, bougainvilliers, lauriers roses, Alocasias, lotus et Cycas revoluta s'en donnent à cœur joie. Impossible de citer toutes les merveilles, mais côté fragrances en ce début septembre, c'était bien l'Osmanthus fragrans, gigantesque, qui battait tous les records !

Le palais et sa loggia toute italienne donnent sur un gigantesque cyprès du Cachemire (Cupressus cashmeriana), symbole même du jardin. L'arbre, haubané de façon spectaculaire, est un survivant. Arrivé en 1862 par le correspondant des îles Borromées au Cachemire, sous la forme de graines, c'est le plus ancien arbre de cette espèce présent en Europe, le cyprès du Cachemire étant par ailleurs en voie d'extinction dans son pays d'origine.

Rescapé d'une tempête en juin 2006, il a fait l'objet d'un sauvetage aux moyens exceptionnels : pour sauvegarder ce colosse de 70 tonnes, ingénieurs et botanistes ont mené une course contre la montre (les racines emballées et humidifiées, le houppier aspergé pour le maintenir jusqu'à son élévation par des grues acheminées par hélicoptère). On l'a déclaré sauvé au bout de trois années de surveillance accrue. Même s'il n'a pas retrouvé sa silhouette d'antan, la stature de ce cyprès, cette prouesse avec les moyens mis en œuvre pour sauver un tel patrimoine arboré m'ont laissée sans voix...

L'Isola Bella

Voici l'île jardin peut-être la plus connue d'Italie ! Terrassée de tous les côtés, ce qui n'était qu'un rocher et un village de pecheurs fut transformé en château et jardin au 17ᵉ siècle (une poignée de ruelles reste un curieux mélange de boutiques et restaurants à touristes). Le palais se dresse comme la proue d'un bateau à l'extrémité de l'île, faisant face aux vastes jardins qui suivent la topographie, façonnés en une pyramide de terrasses un peu incongrue, d'où la vue est ceci-dit imprenable, à la fois sur les parterres et jardins, mais aussi sur le panorama montagneux à 360° tout autour de nous.
Archétype du jardin italien baroque, les jardins de l'Isola Bella sont très différents de ceux de sa voisine, l'Isola Madre.

Ici, c'est un univers qui se veut plus coloré, ponctué de nombreuses plantes annuelles, de grimpantes et d'agrumes plantés en pots. Les fameuses terrasses qui font sa renommée, voient pousser moult espèces venant du monde entier, des Hydrangeas aux Colocasias et Cannas en passant par les Gunneras, acclimatées grâce au microclimat dont bénéficient les lacs. La symétrie, les statues, les fontaines et les plate-bandes bordées de broderies de buis forment un ensemble homogène, très architectural, presque théâtral.

Je repère un énorme camphrier, séculaire, puis les dernières terrasses apparaissent, tel un gros gâteau à étage... ou comme une pyramide maya tronquée. Elles m'évoquent plutôt les jardins suspendus de Babylone. Ce Teatro Massimo finalise la promenade : il est baroque à souhait, orné d'obelisques, ponctué de buis taillés en boule. Pour la petite histoire, Napoléon Bonaparte y fit escale en aout 1797 lors de la campagne d'Italie, participant aux réceptions splendides organisées par la noblesse. Un tableau le représente en compagnie de Joséphine à un des recoins du Teatro Massimo.

Le palais, beaucoup plus massif que celui de l'Isola Madre, se visite aussi. Il ne faut pas manquer le rez-de-chaussée et ses grottes marines surprenantes, au ras de l'eau, véritables appartements d'été où l'on venait profiter de la fraicheur. 

La villa Taranto

Nous voici à présent dans la ville de Verbania, sur la côte orientale du lac Majeur, où se trouve l'un des jardins botaniques les plus beaux d'Italie, de renommée mondiale, celui de la Villa Taranto. Ici, c'est uniquement le jardin que l'on vient visiter, la villa étant fermée au public. Heureusement, car on y passe facilement deux heures, tant le site est planté de merveilles.
Le jardin vallonné a été créé en 1931 par le capitaine Neil MacEacharn, un écossais venu vivre très tôt en Italie, amoureux et passionné de botanique, et dont on passe auprès de la statue au beau milieu du parc. Après la seconde guerre mondiale, il fait ouvrir le jardin au public. L'homme a planté sur une superficie de 16 hectares !

Outre le fait que ce jardin réunisse une quantité phénoménale de plantes, il est remarquable en tant que jardin botanique parfaitement documenté, et le tracé d'un parcours de 3 km permet de visualiser toutes les essences (plus de 20 000 espèces), des plus communes aux plus rares. Elles sont souvent regroupées par genre, ce qui est intéressant pour les passionnés de botanique.

Ainsi, on commence par une grande allée bordée de conifères spectaculaires, de nombreux Cryptomerias, Sciadopitys et Sequoias. Puis bientôt on pénètre dans le labyrinthe des dahlias (qui devient celui des tulipes au printemps). S'y activent des jardiniers avec qui je tente un brin de causette. Oui, ici aussi, sur les bords du lac protégés, ils déterrent les rhizomes pour les hiverner !
Puis, la serre ancienne, que l'on ne peut admirer que depuis l'extérieur, dévoile des nénuphars tropicaux gigantesques, les fameux nenuphars Victoria cruziana, ainsi qu'un jardin vertical.

Une zone dédiée aux érables du Japon met en scène une superbe collection et permet de repérer pourquoi pas son prochain achat, tant ils sont nombreux et divers. L'un d'eux porte même le nom des lieux, l'Acer palmatum 'Villa Taranto'.

Le jardin en terrasse, très photogénique, vitrine du lieu, rassemble quantité de plantes colorées, renouvellées chaque année, dont les Célosies ici affriolantes. Cette esplanade voulue rectiligne et symétrique autour d'un bassin tout en longueur offre une des vues ouvertes les plus remarquables sur le paysage environnant et sur la villa en fond de plan.

A la moitié du parcours, je passe en m'arrêtant forcément devant le Davidia involucrata. Cet arbre aux mouchoirs surprend par ses dimensions, son port et son architecture végétale. Il est estimé à plus de 100 ans, est haut de 15m, et la circonference de son tronc à 1,30 m est de de 3,20 m.

Je contemplais aussi des plantes grasses et le jardin d'hiver, la collection de Cornus, des Erythrina crista galli et Russelia equisetiformis, des Stewartia, des Daphniphyllum, un Gordona axillaris et un Franklinia alatamaha, proches cousins des camélias, des Edgeworthia, un très bel Acer buergerianum à l'écorce orange... pour n'en citer que quelques uns... et quelques plantes qui m'étaient jusqu'alors inconnues comme le Ternstroemia gymnanthera ou le Colletia armata aux curieux feuillage.

Il parait que le lieu est bondé en été. En le visitant au mois de septembre, à l'ouverture, il y avait très peu de monde, permettant de profiter pleinement de ce lieu unique.

Je vous convie le mois prochain à la suite de ce périple italien, avec les jardins du lac de Côme et du lac de Garde !

Informations pratiques et conseils

Visiter les jardins coûte assez cher en Italie. C'est un budget à prendre en compte dans le voyage si l'on souhaite en visiter plusieurs. Il faut également rajouter le prix du bateau lorsque les jardins sont sur des îles. On peut faire le choix dans la plupart des cas de la seule visite des jardins, ou combinée avec les villas, et parfois, on n'a pas le choix, car il faut réserver certains lieux très prisés longtemps à l'avance, en ligne. Il faut aussi compter sur la foule qui se presse sur ces lieux magiques. Alors, je vous conseille de réserver tôt… et de vous lever tôt, c'est encore le moment où les jardins respirent le calme, et que la lumière est toujours belle.

Isola Madre et Isola Bella
28823 Stresa (VB)
Ouvert de mi-mars à début novembre, de 10h à 18h30
Tel : 00 39 0323 933478
E-mail : info@isoleborromee.it
Tarif (jardins et palais) : 18 euros (gratuit -6 ans, et tarifs réduits 6-15 ans) pour l'Isola Bella, 20 euros pour l'Isola Madre. Billet combiné des deux iles : 30 euros.
Site web : https://www.isoleborromee.it/isola-madre/
Site web : Isola Bella - Terres Borromées sur le Lac Majeur

Villa Taranto et ses jardins
Via Vittorio Veneto, 111
E-mail : ente.villataranto.it
Tel : 0323 404 555
site web : https://www.villataranto.it/fr/
Ouvert tous les jours du 15 mars à début novembre. L'embarcadère est juste en face, et un parking gratuit permet de se garer facilement. Un itinéraire plus court permet aux personnes à mobilité réduite de profiter du parc.
Tarif : 11 euros

Cet article vous a plu ? Alors lisez aussi le second chapitre de cette découverte Italienne : J'ai visité les lacs italiens côté jardin... la suite