Pesticides. Le mot est lâché et fait peur. Pourtant, les sources historiques et fouilles archéologiques attestent que, dès l'Antiquité, l'homme a cherché à limiter la propagation de parasites et de maladies pour améliorer la production alimentaire. Ces pesticides avaient une origine minérale, comme le soufre, ou végétale. C'est au XXe siècle, à partir des années 1930-1940, que se développe la chimie organique de synthèse qui permet de créer des substances capables de répondre à toutes les problématiques phytosanitaires de l'agriculture mondiale. Au point que l'usage de ces fameux pesticides est une des composantes du développement agricole de ces cinquante à soixante dernières années.
Aujourd'hui, en France, en Europe, et plus largement, dans le monde, l'utilisation de ces pesticides fait l'objet de rapports annuels, plans de surveillance, enquêtes, lois visant à les interdire ou à en limiter l'usage. Car la présence de ces résidus de pesticides dans notre alimentation est devenue un sujet de préoccupation d'un nombre toujours plus important de consommateurs. On connaît désormais les impacts de ces pesticides sur notre santé !
Et vous, parmi les fruits et les légumes que vous consommez au quotidien, savez-vous quels sont ceux qui sont les plus traités et donc les plus chargés en résidus de pesticides ?
C'est quoi au juste un pesticide ?
Un petit détour par l'étymologie s'impose pour comprendre réellement ce qu'est un pesticide. Ce mot anglais serait composé de pest (issu du latin pestis) qui signifie "nuisible, ravageur, parasite" et de l'élément "cide" (tiré du latin caedere) qui veut dire "tuer". Donc, concrètement, le pesticide est une substance active ou un produit destiné à détruire, combattre, exterminer un organisme nuisible, animal ou végétal.
Herbicides, insecticides, fongicides et compagnie
Et, en termes de pesticides, la liste est longue : on y retrouve les insecticides, herbicides, fongicides (contre les champignons comme le mildiou, l'oïdium, le botrytis...), nématicides (contre les nématodes), rodenticides (contre les rongeurs), acaricides (contre les acariens)... sans oublier les régulateurs de croissance, les substances pour diminuer la chute des feuilles ou réduire le nombre de fruits sur l'arbre, ou encore les produits chimiques de synthèse appliqués après la récolte pour faciliter le stockage ou le transport.
Au total, le terme "pesticide" regrouperait plus de 1000 substances ou produits phytopharmaceutiques, biocides et antiparasitaires. Des produits que l'on sait désormais dangereux pour l'environnement (pollution des sols, impact sur la faune...) mais aussi la santé (substances cancérogènes ou mutagènes, perturbateurs endocriniens...). L'OMS (Organisation mondiale pour la santé) reconnaît d'ailleurs que l'alimentation est la première source d'exposition aux résidus de pesticides.
Organismes d'État et associations veillent au grain
En France, des contrôles sont régulièrement mis en œuvre par l'État, et plus particulièrement la DGAL (Direction Générale de l'Alimentation) et par la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) afin de connaître les niveaux d'exposition et de contamination des aliments aux pesticides. Des limites de résidus ont d'ailleurs été mises en place. De son côté, l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation) fait régulièrement des études de l'alimentation totale afin de rechercher les substances toxiques dans les aliments consommés par la population, prélevés dans différents lieux de vente. En parallèle de ces organismes d'État, des associations ou mouvements mènent aussi des enquêtes, établissent des rapports ou font des états de lieux, basés sur des méthodologies scientifiques.
Parmi tous les aliments analysés qui contiennent des résidus de pesticides, les fruits et légumes occupent une place non négligeable.
Les fruits et légumes les plus chargés en résidus de pesticides
Pour évoquer ce sujet, je me suis appuyée sur le dernier plan de surveillance de la DGCCRF réalisé de 2012 à 2017 (le dernier en date), complété par les observations de l'ONG Générations futures qui lutte contre les pesticides de synthèse. Volontairement, cette association n'a pas pris en compte les études américaines (entre autres de l'association Environmental Working Group) car les pesticides autorisés, les méthodes de production et les circuits d'importation ne sont pas comparables.
18 fruits et 32 légumes non bio, issus de zones de production non précisées sur les étiquettes, ont été sélectionnés suivant plusieurs critères pour être représentatifs. Et parmi ce panel de fruits et légumes, deux grandes notions ont été examinées et quantifiées : le taux de contamination par les résidus de pesticides et le pourcentage de dépassement des limites maximales en résidu (LMR) fixés par l'Union Européenne.
Du côté des fruits
Le podium des trois premiers fruits les plus contaminés par des résidus de pesticides est occupé par la cerise (89 % des échantillons analysés sur 6 ans contiennent des résidus de pesticides), les clémentines et mandarines (88.1 %), et le raisin (87.3 %). Viennent ensuite, dans l'ordre chronologique, les pamplemousses (et pomelos) (86.3 %), les pêches (et nectarines (83 %)), les fraises (82.9 %), les oranges (81.2 %), les abricots (80.4 %), les pommes (80.3 %), les citrons (76.8 %), les poires (75.7 %), les citrons verts (68.3 %), les ananas (65.9 %), les bananes (57.4 %), les framboises et groseilles (57.1 %), les prunes et mirabelles (50.8 %), les avocats (27.8 %) et les kiwis (25.8 %).
En revanche, si on se penche sur les pourcentages de fruits avec résidus de pesticides supérieurs à la LMR, c'est l'ananas qui occupe largement la première place avec 9.2 % devant la cerise (5.2 %) et les kiwis à égalité avec les pamplemousses (4.2 %).
Donc, s'il fallait résumer, la DGCCRF et Générations Futures constatent que 71.9 % des fruits contrôlés pendant 6 ans contiennent des résidus de pesticides. Et il est inquiétant de voir que 2.9 % des fruits présentent des taux de pesticides supérieurs aux limites maximales de résidus (LMR).
Du côté des légumes
Pour les légumes, les résultats sont moins alarmants puisque, en moyenne, 41.3 % des 32 légumes analysés renferment des résidus de pesticides. Même si les premiers incriminés ont des taux de contamination équivalents à ceux des fruits. Les 10 premières places étant occupées par le céleri-branche (84,9 %), le céleri-rave (82,5 %), les herbes fraîches (69,3 %), l'endive (67,2 %), la laitue (66,5 %), les piments et poivrons (60,5 %), la pomme de terre (59,1 %), le melon (54,8 %), les haricots verts (54 %) et les pois (52,7). Et, en queue de peloton, on retrouve les légumes les moins chargés en pesticides, à savoir, dans l'ordre décroissant, le maïs (0,8 %), les asperges (2,1 %), les madères et ignames (3,7 %), les betteraves (6,9 %), les choux-fleurs (8,3 %), les patates douces (13,8 %), les potirons (13,9 %), les choux pommés (20,4 %) et les brocolis (22,2 %).
Dans la liste des légumes ayant le pourcentage de résidus de pesticides supérieurs à la LMR, on retrouve le même trio de tête, à savoir les herbes fraîches (21,5 %), le céleri-branche (15,7 %) et le céleri-rave (10,8 %), trois taux largement supérieurs à ceux des fruits. Et une moyenne de 3,4 %.
Les résultats complets de l'enquête sont ici : Rapport sur les résidus de pesticides dans les fruits et légumes en France.
Le constat de UFC-Que Choisir
Le 24 mars 2022, l'association de consommateurs UFC-Que choisir a publié son observatoire des pesticides qui s'appuie sur le croisement des résultats d'analyse de 5150 aliments d'origine végétale, réalisées en 2019 par les autorités françaises. Ces analyses s'appuient sur la liste des substances considérées comme possiblement, probablement, voire sans aucun doute dangereuses par les agences réglementaires françaises et européennes. Clairement, la cerise reste le fruit le plus traité avec 91,9 % des produits contaminés par un résidu à risque, devant le pamplemousse (90,6 %), les pêches et nectarines (89,7 %) et la pomme (79,8 %). Pour les légumes, c'est toujours le céleri branche (91,2 %) qui remporte le trophée du légume le plus chargé en résidus de pesticides devant le piment (85,3 %) et le chou de Bruxelles (84,6 %). Les résultats complets sont ici : Observatoire des pesticides.
Si les chiffres sont alarmants, peut-être est-il important de préciser que l'origine des fruits et légumes n'est pas précisée. Certains sont certainement produits hors Europe où la réglementation en matière d'usage de pesticides est bien différente. Pour autant, la moitié des fruits et légumes (51 %) produits en agriculture intensive contient au moins un pesticide à risque, et 30 % au moins deux pesticides.
Quelles alternatives pour le consommateur ?
La majorité des fruits et légumes contiennent donc des résidus de pesticides. Comment éviter d'en consommer ?
La première alternative réside dans le fait de consommer des fruits et légumes issus de l'agriculture biologique (bio) ou raisonnée qui bannissent les pesticides pour des méthodes de culture plus traditionnelles, moins intensives axées sur la préparation du sol, la mise en place de protections mécaniques (paillage, filets anti-insectes), l'utilisation de concoctions naturelles, l'adoption du biocontrôle ou l'emploi de "biopesticides"... Bien évidemment, en choisissant du bio français, c'est encore mieux !
En revanche, tous ceux qui disposent d'un bout de terrain, peuvent aussi se mettre à la production de leurs fruits et légumes en créant un potager. Vous pouvez commencer tout petit avec un carré potager ou même simplement créer un carré d'herbes aromatiques (qui, rappelons-le, arrivent en 3e position des légumes les plus chargés en pesticides) sur votre balcon ou votre terrasse. Ensuite, vous pourrez peut-être passer à la création d'un potager plus traditionnel sans pesticides ni engrais. Certes, il y aura des échecs mais lorsque vous dégusterez vos légumes ou vos fruits, la satisfaction effacera toutes les difficultés.
Un dernier conseil : commencez par semer ou planter des légumes faciles comme les laitues et autres salades, la courgette, l'épinard, le radis, les haricots et les petits pois, la pomme de terre, la tomate cerise...
Du côté des fruits, vous pouvez très facilement vous faire plaisir en plantant des fraisiers, très faciles de culture même en bac ou jardinière, les framboisiers et autres petits fruits, la rhubarbe, une plante vivace qui reste en place, un pied de vigne... Les autres arbres fruitiers demandent un peu plus de place, de connaissances et de soins, mais on trouve aujourd'hui des fruitiers nains qui se cultivent même en pot.
D'autres comme le prunier, le cerisier ou le plaqueminier qui produit des kakis sont des arbres fruitiers spécialement dédiés aux débutants de par leur facilité de culture.
anna, le 7 Mai 2022
Bonjour, merci pour cet article.
Je me permets d'ajouter un "clou" dans ces tristes histoires : l'obtention des labels "bio" en France qui ne sont plus controlés une fois obtenus (ça fonctionne comme les Ehpad et les ARS selon les révélations récentes de Victor Castanet). Donc le bio n'est pas un gage... Et, en effet, je crois bien que la seule solution aujourd'hui est d'avoir sont petit terrain à cultiver...
Sandrine, le 7 Mai 2022
C'est un article très intéressant : merci