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Le jardin ne veut désormais plus être vécu comme une contrainte pour beaucoup de jardiniers qui ont trop vu leurs parents s’échiner et y consacrer des week-ends entiers. L’émergence récente d’un jardin moins contraignant ou jardin « laisser-faire » est une nouvelle façon d’apprivoiser le jardin, le faire communier avec la nature tout en lui donnant une allure forcément plus sauvage.
Pour arriver à aménager un beau jardin qui laisse un peu plus de temps à nos vies trépidantes, il convient de laisser la nature reprendre (un peu) ses droits, et de créer des espaces foisonnants tout en choisissant des plantes faciles à vivre et adopter des réflexes de jardinage adaptés.
Alors comment créer des zones de liberté au sein du jardin ? Quelles stratégies mettre en place pour rendre le jardin moins chronophage ? Quelles sont les clés pour réussir un jardin sauvage et beau à la fois ?
Aménagez un jardin laisser-faire en quête d’authenticité et suivez nos conseils pour mener à bien ce nouveau challenge. Vous découvrirez que le lâcher prise est plus que salutaire.
→ Retrouvez la tendance « laisser-faire » en pages 4 et 5 de notre catalogue printemps-été 2023 et découvrez Comment réensauvager son jardin ?
Le renouveau du jardin se traduit actuellement par un jardin « laisser-faire ». Pour le qualifier, on pourrait dire qu’il se situe à mi-chemin entre le jardin naturaliste de Piet Oudolf, qui mêle plantes vivaces généreuses et graminées, le jardin punk d’Eric Lenoir, qu’il qualifie lui-même de jardin de paresseux, où l’on intervient le moins possible, et le jardin en mouvement de Gilles Clément, ce jardin libre comme l’air, en pleine communion avec la nature.
Ces trois paysagistes et jardiniers bien connus prônent finalement tous un autre regard sur le jardin, longtemps soumis à des règles drastiques : la nature y est reconsidérée, réintégrée, comme le juste écrin mettant en valeur notre propre éden.
On s’éloigne donc de la conception d’un jardin maitrisé, on abolit la rigueur des tailles au cordeau, on s’affranchit de codes ancestraux… sans toutefois se retrouver avec un espace anarchique et complètement incontrôlable. Cette nouvelle tendance s’inscrit fortement dans une prise de conscience écologique, où le jardinier fait avec la nature et non contre.
Le jardin laisser-faire se veut plus accommodant, avec moins de soins à apporter. Ceci vaut essentiellement pour les zones enherbées et pour les tailles diverses.
L’ambiance naturelle de certains jardins tient en réalité à plusieurs facteurs, l’un des premiers étant sa structure assurée par les strates hautes, à savoir les arbres et arbustes. Pour instaurer un caractère informel au jardin, le choix d’espèces à port naturellement libre ou souple permet de réduire considérablement l’entretien puisque la taille saisonnière devient accessoire. On peut se passer de taille sur un grand nombre d’arbustes, quant aux arbres, ils ne demandent généralement qu’à ce qu’on les laisse pousser tranquillement.
Privilégiez aussi les arbustes qui ne réclament pas de taille : ce sont principalement ceux à pousse lente comme les conifères, et à feuilles persistantes dont les arbustes poussant en sol acide, dits de terre de bruyère, ou les arbustes réputés faciles, comme l’Amélanchier ou les Cotoneaster !
Enfin, les haies seront pensées et plantées dans un esprit plutôt champêtre, voire de bocage.
Le deuxième point névralgique d’un grand jardin où l’on souhaite moins intervenir… c’est la tonte. Travail d’autant plus fastidieux sur les grands espaces. Pour limiter l’entretien d’une pelouse, le plus efficace est finalement de réduire les surfaces engazonnées au profit de grandes plates-bandes mêlant arbustes, vivaces et graminées, ou bien de grandes zones laissées en sorte de jachère : c’est ce que l’on appelle la gestion différenciée au jardin.
La gestion de la tonte contribue, quand on laisse certaines parties du jardin enherbées, plus ou moins en friche apprivoisée, à renforcer ce jardin laisser-faire.
→ Lire aussi les arbustes à port arqué, Comment et pourquoi créer une haie champêtre ?, jardin de résidence secondaire, les alternatives au gazon : 10 couvre-sols pour remplacer la pelouse,
Avec des vivaces qui se ressèment spontanément, le jardin laisser-faire nous facilite la tâche et se pare de fleurs d’allure champêtre, très en accord avec l’ambiance voulue. Les espaces se remplissent peu à peu de ces plantes à durée de vie assez courte qui ont trouvé la parade magique pour prolonger leur présence au jardin.
Beaucoup de ces plantes issues de semis spontané ont un port aérien, très léger et amènent un air de liberté dans les grands massifs qui s’étofferont, comme les verveines (Verbena hastata, Verveine de Buenos aires), les Knautia macedonica, les linaires, les Anthemis ou bien les orpins pour n’en citer que quelques-unes bien utiles, s’adaptant à merveille au changement climatique.
Attention : ces semis « arbitraires » réussissent bien dans des sols qui leur sont propices (les Ancolies en sol frais, les anthemis en sol sec par exemple).
Comptez aussi sur les bulbes qui se naturalisent comme les jonquilles des bois (Narcissus pseudonarcissus), les jacinthes d’Espagne, ou les tulipes botaniques : ils s’étalent rapidement en grandes nappes colorées dans les prairies ou sous des bosquets d’arbres.
→ Lire aussi Les plantes qui se ressèment toutes seules !
Parmi les grands adages du jardin laisser-faire, il y a la plantation serrée qui permet de moins laisser passer la lumière et l’eau, donc d’étouffer peu à peu toute autre végétation que celle que l’on a choisie. Planter à des intervalles rapprochés permet d’assurer un couvert efficace, même si cela impose parfois de devoir, à terme, diviser et éclaircir quelques plantes.
Autre astuce qui demande un peu de réflexion avant de réfléchir à un nouveau massif : intercaler des plantes qui vont se relayer au fil des saisons afin d’avoir le sol (même s’il est paillé) le moins nu possible. Les bulbes de printemps sont par exemple efficaces pour devancer les scènes, rattrapés par des vivaces comme les pulmonaires en zone ombragée par exemple.
Au-delà de certains arbres et arbustes doués pour attirer les insectes butineurs, que l’on pourra installer en périphérie ou au sein de massifs (Robinier faux-acacia, Saule marsault, etc), beaucoup d’astéracées nous venant des grandes étendues de prairies américaines sont bien utiles tant dans leur allure sauvageonne que dans leur caractère mellifère. Ce sont souvent le fait de plantes de terrains secs, mais parfois aussi de terrains frais comme les eupatoires. D’autres non mellifères méritent toute notre attention pour investir ces zones nonchalantes du jardin : Aster sedifolius, Althaea, Acanthes…
→ Invitez Echinacées, Centaurea montana, Serratula seoanei, cirses, Dorycnium hirsutum, Vernonia baldwinii, Asclepia tuberosa, Monarda fistulosa. Eupatorium purpureum, et tant d’autres…
→ Lire aussi notre fiche conseil : Comment réensauvager son jardin ?
Le jardin laisser-faire est aussi avide de végétaux qui se posent là une bonne fois pour toutes : les vivaces ou arbustes couvre-sol persistant ou non. Leurs feuillages denses ou étalés (formes prostrées ou rampantes) n’ont pas leur pareil pour étouffer les mauvaises herbes. Outre le fait d’être ornementales, elles se débrouillent généralement toutes seules, sont frugales et demandent peu d’entretien, dans la lignée de notre objectif d’intervenir a minima.
On y retrouve les Geranium vivaces, les bruyères, les Epimedium, Muehlenbeckia et bien d’autres merveilles à absolument planter dans le cadre de notre jardin qui se laisse faire !
Si installer des plantes pérennes, revenant chaque année après leur dormance hivernale pour les caduques, ou s’installant définitivement pour les feuillages persistants est une attitude que nous prenons logiquement tous de plus en plus, c’est définitivement une autre bonne façon de se faciliter la tâche dans un jardin laisser-faire.
Le jardin laisser-faire est plutôt envisagé dans de très grands espaces, ou dans une seconde partie d’un grand jardin que l’on maitrise moins par manque de temps bien souvent. On peut aussi le considérer dans le fond d’un jardin, pour y amener une impression de jungle, et estomper ses limites grâce aux herbes folles.
… et pour peaufiner vos connaissances sur le sujet, nous vous recommandons un excellent livre paru chez Ulmer en 2015 : Laissez faire ! L’art de jardiner avec les plantes qui se ressèment toutes seules. De Jonas Rief, Christian Kress et Jürgen Becker.
Pierre a., le 30 Avril 2023
Très bel article !
Personnellement j'ai très envi depuis quelques années de laisser mon jardin en "paix" mais mon coeur oscille toujours entre le bien tailler et le laisser libre !
Pas evident de choisir... pour le moment j'ai reussi à laisser une petite zone un peu en "friche" propre !
Au plaisir de vous lire ,
PIERRE A.
Réponse de Gwenaëlle, le 3 Mai 2023
Bonjour Pierre et merci beaucoup pour votre message ! C'est vrai que parfois on n'ose pas assez laisser le jardin en mode plus sauvageon. Ce sont les codes du jardin qui nous en empêchent la plupart du temps. Il est souvent plus facile de tenter cette expérience dans une zone plus éloignée des abords de la maison... histoire de se faire la main, et voire si le résultat fonctionne bien. Mais conserver un visuel plus "propre" près de l'habitation est louable !
Jefema, le 2 Janvier 2024
Je suis réjouie de constater que la tendance "laisser faire", "jardin naturel", "jardin sauvage", avec un maximum de plantes indigènes et un minimum de taille des haies et de tonte d'herbe, arrive enfin en France !
Bravo pour tous vos articles dans ce sens, qui font passer le message !
Je me permets de mentionner que seuls les chatons mâles du saule marsault sont jolis comme dans la photo; les chatons femelles étant sans intérêt !! (Quand on achète cette plante ce n'est malheureusement jamais précisé !)
Continuez le bon travail !
Réponse de Gwenaëlle, le 3 Janvier 2024
Bonjour,
et merci pour votre message. Nous prônons effectivement cette nouvelle tendance du jardinage, non parce que c'est une mode actuelle, mais bien pour les bienfaits que nos jardins en retirent, outre le fait que cela soit esthétique. Vous faites bien de préciser que la floraison des saules marsault sont ici des fleurs femelles, merci de l'avoir souligné. Bonne année à vous !
Jefema, le 4 Janvier 2024
Bonjour Gwenaelle,
Merci de votre retour.
Les chatons jaunes de saule marsault sur la photo dans votre article sont, je pense, de la plante mâle - chatons mûrs , car lorsque jeunes ils sont argentés et serrés (très beaux dans des bouquets dans la maison !). Sur la plante femelle les chatons font de longues graines blanches et cotonneuses qui s'envolent partout !
Merci encore de votre engagement pour le naturel et la biodiversité !