Jardin anglais : Le mixed-border

Les origines du mixed-border

Emblématique des jardins anglais, le mixed-border est indissociable du romantisme des jardins à l’anglaise jouant sur l’association remarquable de floraisons opulentes et un floutage harmonieux des formes. Il fait son apparition vers le milieu du XXème siècle, et est associé à la papesse du jardin anglais, Gertrude Jekyll (1843-1932), qui a instauré le jardin informel. 

Cette jardinière paysagiste d’exception a créé essentiellement en Angleterre mais aussi en France et en Europe des jardins avec ces grandes plate-bandes où le mélange des fleurs et des feuillages se fait dans un entrelacs maitrisé et où aucune plante ne prends le dessus sur l’autre. Composé essentiellement de plantes vivaces, d’arbustes, mais aussi de quelques annuelles et bulbeuses, ainsi que de graminées, le mixed-border propose une débauche de couleurs et de volumes dans un foisonnement très abouti. On comprend, quand on s’attache aux multiples plans très précis de cette grande dame, que ces énormes massifs sont finalement très construits malgré l’image naturelle qu’ils renvoient au promeneur.

A l’opposé du formalisme d’un massif structuré à la française, le mixed-border voit donc l’aboutissement d’un foisonnement où les jeux de couleurs le disputent aux jeux de lumières et aux notions de perspective. De l’irrégularité des volumes et des formes, naît un espace harmonieux et très naturel, explosant de couleurs en été.

Chippenham Gardens mixed-border (© Karen Roe)

Les principes d'aménagement d'un mixed-border

Le mixed-border possède quelques caractéristiques qui lui sont propres :

• L’importance de la couleur : Les plantations sont irrégulières, souvent répétées, et organisées en fonction d’une thématique chromatique : couleurs dans des camaïeux pastel en mode impressionniste ou à l’inverse usage de couleurs vibrantes, ou encore deux couleurs complémentaires du cercle chromatique : le jeu de couleurs chaudes et froides a été une grande source d’inspiration et de travaux pour Gertrude Jekyll. Elle composait généralement un motif partant de couleurs douces et feuillages argentés, puis au milieu une savante association de couleurs vives arrivant en crescendo, pour finir à nouveau sur des couleurs apaisantes. L’usage du blanc et du grisé des feuillages servant toujours de liant et d’équilibre.
• Un habile mélange de vivaces herbacées (en majorité), d’arbustes ligneux de silhouette plutôt souple, d’annuelles et de bulbeuses pour combler les intersaisons et pour assurer un effet longue durée.
• La taille du mixed-border est imposante et participe de sa splendeur : au moins 2m, souvent 3m de large exprimé sur une grande longueur. A Munstead Wood, le mixed-border fait 60 m de long, celui de Wisley Gardens est également réputé (128 m de long), tandis que le plus impressionnant reste celui de Darleton Castle en Ecosse avec une longueur de 215 m !
• Les volumes judicieusement pensés pour créer des fonds ou milieux de massif plus hauts. On utilise plusieurs strates pour créer un relief restant toujours doux : vivaces érigées, arbustes médians en fond de plan, graminées souples et couvre-sols en premier plan.
• Une majorité de plantes rustiques pour assurer une pérennité sur les saisons et les années.
• De format rectiligne et rectangulaire, le mixed-border longe une allée, il a parfois des lignes plus courbes. C’est principalement sous la forme de deux longues plates-bandes se faisant face qu’on le retrouve dans les jardins anglais et français. Elles sont souvent adossées contre un mur ou contre une haie persistante taillée au cordeau pour bien mettre en valeur l’effervescence des floraisons.

Mixed-borders à Helmingham (à gauche, © Dave Catchpole) et Arley Hall à droite

Quelles plantes composent le mixed-border ?

Le mixed-border peut intégrer moult végétaux, c’est sa grande force. Il joue aussi sur une composition faite de répétitions, pour un effet harmonieux et afin d’éviter un fourre-tout chamaré. Il convient d’installer des plantes de hauteurs et de volume différents pour arriver à un visuel ornemental.

Composé en grande partie de plantes vivaces, mais aussi de graminées, les essences choisies sont le plus vaporeuses et libres possibles. Impossible de toutes les citer, voici quelques suggestions :

Les vivaces

De nombreuses plantes de jardin de curé et de jardin de cottage, de plein soleil ou de mi-ombre : Achillées, Delphiniums, Nepetas, Echinacées et Heleniums, Euphorbes, Agapanthes, Penstemons, Aconits, Pavots d’orient, Phlox, Anthemis, Lupins, Campanules, Eryngiums, Fenouil, Asters, Veronicastrums et chez les bulbeuses : Iris, kniphofias, Aliums, Cannas, Fritillaires, Hemerocalles,… Les terres plus fraiches verront s’épanouir des filipendules, libertias, wastonias, ligularias et autres Eupatoriums… Les annuelles comme les Cosmos y amènent une légèreté incomparable, tandis que les Cynaras cardunculus, structurants, sont sublimés en fond ou milieu de massif.

Iris, Coreopsis, Echinops, Alstroemeria, Delphinium, Dahlia, Eremurus parmi une large palette de vivaces et de bulbeuses

Les arbustes

On retient les ports souples et naturels, les arbustes à forte personnalité et les couleurs de feuillages contrastantes, comme les Cotinus coggygria, Exochorda racemosa, Perovskias, Abelias, Physocarpus opulifolius, Spireas japonica, Berberis pourpres, Fusain ailé, des variétés de Cercidiphylum ou de Parrotias, Ceanothes, etc. Pour une strate plus haute sur de très larges mixed-border, on peut intégrer un beau Catalpa bignonoides, des Cornus, Buddleias, mais aussi des feuillages persistants de conifères… Les rosiers botaniques font bien sûr merveille dans le mixed-border romantique.

Cotinus coggygria, Exochorda racemosa, Miscanthus, Physocarpus opulifolius, Spirea japonica

Les couvre-sol et les feuillages

Ils sont très utiles dans le mixed-border pour combler les vides et ramener de beaux feuillages, notamment quand ils s’aventurent sur l’allée en débordant gracieusement. On les choisit essentiellement persistants et à floraison associée au reste de la plate-bande : Bergenias, Heuchères, aubriète, Ajuga reptans, Alchemilla mollis, le bleuté ou panaché des Hostas, les Geraniums, Stachys, Hebes, Cistes, mais aussi des feuillages remarquables des Hakonechloas et des Ophiopogons.

Alchemilla mollis, Bergenia, Heuchère, Geranium sanguineum, Stachys

Les graminées

Sur un grand espace, elles sont généreuses en fond de plant avec des Miscanthus, Calamagrostis, Molinias ou Panicum par exemple. Les graminées permettent de prendre le relais en automne jusqu’en hiver où elles assurent une belle présence. Quelques graminées basses sont aussi parfaites pour s’immiscer dans le mixed-border (Carex, Pennisetum, Fetuques, Sporobolus…).

Les avantages et inconvénients du mixed-border

Les avantages du mixed-border sont multiples :

• Une palette de plantes très riche
• Un aménagement possible dans de nombreux styles de jardins, expositions et climats en adaptant les végétaux
• La possibilité constante de modifier certaines plantes si elles ne se sont pas plu, ou de les remplacer pour renouveler la zone au bout de quelques années
• Un effet « volumateur » intéressant pour les jardins plats, un effet couvre-sol avéré sur une belle superficie de terrain, etc.
• Un espace beau du printemps à l’automne, à son apogée en plein été
• L’impression naturelle et foisonnante, l’ampleur et l’abondance convient bien à la mode des jardins naturaliste

Mixed-border bleu et mauve

Quelques inconvénients ou difficultés cependant :

• La difficulté réside principalement dans le plan de plantation car il n’est pas toujours facile d’imaginer l’emprise qu’auront chacune des plantes foisonnantes sur un si grand volume. Il convient de ne pas planter trop serré, ce que l’on aurait tendance à faire pour obtenir un visuel correct rapidement.
• Le mixed-border reste moins attractif en hiver et tout début de printemps, il est très associé à l’été
• Il est essentiellement utilisé et magistral dans de grands jardins
• L’insertion d’arbustes est à limiter et à équilibrer pour éviter qu’ils prennent trop de place en grandissant, limitant l’effet foisonnant des vivaces d’été
• Le choix colorimétrique à penser selon le reste du jardin si celui-ci est de taille réduite
• Les amples mixed-borders seront adaptés en dimensions plus modestes dans les petits jardins (on perdra la notion de répétition de végétaux)
• L’exposition nord reste moins propice à la profusion de couleurs sur laquelle s’appuie le mixed-border. Mais on peut toutefois amener le mixed-border jusqu’à un jardin ombragé qui s’appuiera alors des tonalités blanches, roses et bleues.

Jardin de particulier, Hayward gardens – Vermont, Etats-Unis (© Putneypics)

Comment entretenir un mixed-border ?

Considéré comme difficile en entretien puisqu’il faut diviser régulièrement les plantes ayant pris leurs aises, et effleurer la masse de fleurs, le mixed-border a aussi l’avantage de fournir quantité de fleurs pour confectionner des bouquets. Couper régulièrement les fleurs est donc une des meilleures façons pour entretenir efficacement cet espace. Il ne faut pas se mentir, la transplantation est un des travaux qui s’imposent au jardinier dans le mixed-border pour qu’il reste dans des volumes et proportions idéales. Et plus il est grand, plus ce travail prend du temps… donc si cela vous fait un peu peur, réduisez la dimension de la plate-bande.

L’effet touffu et foisonnant doit vous épargner du désherbage, surtout si vous prenez le soin de pailler généreusement.

Un goutte-à-goutte sera indispensable pour les grands mixed-borders, ou pour les plantes gourmandes en eau comme les Dahlias. Là encore, il est utile de réfléchir en amont au type de plantes anti-soif si vous ne pouvez installer de système d’arrosage efficace.

Enfin, des structures sont parfois nécessaires pour supporter les hautes tiges (obélisques romantiques en bois ou métal sont parfaits dans ce type d’espace).

Mixed border aux Wisley Gardens, mois d’octobre (© Mark Flickr)

Quelques exemples...

Des 400 jardins créés dans le monde par Gertrude Jekyll, très peu ont subsisté, seuls certains ont été habilement restaurés avec très souvent la présence de mixed-borders d’exception, marque de fabrique de la paysagiste anglaise.

Parmi eux, on compte Munstead wood dans le Surrey, demeure et premier terrain d’expérimentation pour elle. Mais aussi Hestercombe Gardens, Woolverstone House et Upton Grey Manor House (au sud-ouest de Londres), ou le charmant petit jardin du château de Lindisfarne en Ecosse ainsi que Hascombe Court (dans le Surrey).

En France c’est le Bois des Moutiers en Normandie qui est célèbre pour avoir eu recours à Gertrude Jekyll dans sa conception. Un très beau mixed-border fait face à la demeure, côté sud.

L’extradordinaire et célèbre mixed-border au Dirleton Castle (© Aly 1963)

Mixed-border au Bois des Moutiers (©Amanda Slater)

Un mixed-border éclatant dans un camaieu de mauve en plein été aux Savill Gardens (© Mark Flickr)

En savoir plus

• Retrouvez notre gamme de plantes de mixed-border dans notre pépinière en ligne !
• Voici le site officiel de la grande Dame anglaise des jardins, Gertrude Jekyll : ce site est uniquement en anglais, mais il est d’un grand intérêt pour tous ceux qui s’intéressent à son parcours, ses jardins et ses livres.