Utiliser de la chaux au jardin : bonne ou mauvaise idée ?

C'est quoi la chaux au juste ?

La chaux est un matériau minéral obtenu par la calcination de roches calcaires ou de craies. Utilisée depuis des siècles dans divers domaines, dont l’agriculture et le jardinage, elle joue un rôle essentiel dans l’amélioration des sols.

Voici, les différents types de chaux :

• Chaux vive (oxyde de calcium)
  • Description : c’est la forme la plus concentrée et réactive de la chaux.
  • Usages : utilisée auparavant pour désinfecter le sol, car elle élimine certains agents pathogènes et parasites.
  • Précautions : manipulation délicate en raison de sa puissance, elle peut brûler les plantes et les racines si elle est mal dosée, ainsi que la vie du sol. À éviter si possible au jardin !
• Chaux éteinte (hydroxyde de calcium)
  • Description : obtenue en mélangeant de la chaux vive avec de l’eau, elle est ainsi moins « agressive ».
  • Usages : idéale pour ajuster progressivement le pH du sol dans un jardin, notamment pour les potagers ou les pelouses. C’est aussi la composition du blanc arboricole (voir plus bas).
  • Précautions : toujours appliquer en respectant les dosages pour éviter tout déséquilibre du sol.
• Chaux dolomitique
  • Description : c’est un mélange naturel contenant du calcium et du magnésium.
  • Usages : elle est recommandée pour corriger les sols acides tout en compensant une carence en magnésium, utile pour des cultures comme les tomates ou les pommes de terre.
  • Précautions : n’oubliez pas de vérifier que le sol nécessite un apport en magnésium avant application.

ATTENTION ! : La chaux, en particulier sous sa forme vive ou éteinte, peut provoquer des irritations sévères de la peau, des yeux et des voies respiratoires en cas de contact ou d’inhalation de poussières. Une manipulation sans équipement de protection (gants, masque, lunettes) peut entraîner des brûlures chimiques ou des lésions pulmonaires.

Avantages potentiels de l’utilisation de la chaux

Amélioration des sols acides

Un sol trop acide peut poser des problèmes importants pour la croissance des plantes. La chaux agit comme un amendement calcaire qui augmente le pH du sol, le rapprochant d’un niveau neutre, idéal pour la plupart des cultures (pH 6 à 7). Cette correction de l’acidité a plusieurs effets bénéfiques :

• Absorption accrue des nutriments essentiels : dans un sol acide, des éléments clés comme le calcium, le phosphore et le magnésium peuvent être présents, mais difficilement accessibles aux plantes. En augmentant le pH, la chaux facilite leur disponibilité.
• Amélioration des rendements : les cultures comme les légumes (choux, haricots, carottes) et les céréales (blé, orge) se développent mieux dans des sols équilibrés en pH. L’application de chaux peut donc améliorer leur croissance et leur productivité, particulièrement dans des régions où les sols sont naturellement acides, comme les zones humides ou forestières.

Réduction de la toxicité de certains éléments

Dans les sols très acides, certains éléments chimiques deviennent toxiques pour les plantes :

• L’aluminium : en milieu acide, l’aluminium peut être libéré sous une forme soluble et attaquer les racines des plantes, limitant leur capacité à absorber l’eau et les nutriments. La chaux neutralise cet effet en augmentant le pH.
• Le manganèse : bien qu’essentiel en petites quantités, le manganèse peut devenir toxique pour les plantes en excès dans un sol acide. La chaux permet de réduire cette toxicité en stabilisant les niveaux de manganèse disponibles.
  Ces ajustements rendent le sol plus sûr et plus fertile pour un large éventail de cultures.

Amélioration de la structure du sol

L’ajout de chaux peut également influencer positivement la structure physique du sol, notamment dans les sols argileux :

• Aération et drainage accrus : la chaux agit sur les particules d’argile en favorisant leur agrégation, ce qui réduit la compacité du sol. Cela permet une meilleure circulation de l’air et de l’eau, facilitant le développement des racines.
• Prévention de l’engorgement : les sols lourds et mal drainés retiennent souvent trop d’eau, ce qui peut asphyxier les racines. La chaux aide à rendre ces sols plus perméables.
  La chaux est donc particulièrement utile dans les potagers ou les pelouses établis sur des terrains argileux ou compactés.

Réduction des maladies du sol

Un pH déséquilibré peut favoriser la prolifération de certains pathogènes et nuisibles. Corriger cette acidité avec de la chaux peut avoir des effets protecteurs :

• Pathogènes sensibles à l’acidité : certaines maladies fongiques, comme la fonte des semis ou la pourriture des racines, se développent plus facilement dans des sols acides. Un ajustement du pH peut limiter leur présence.

Épandage de chaux dans une serre

Comment identifier si votre sol a besoin de chaux ?

Analyse du pH du sol

Le pH est l’indicateur clé pour savoir si votre sol est trop acide. Vous pouvez le mesurer de plusieurs façons :

• Utilisation d’un kit d’analyse : disponible en jardineries, ce kit permet de tester le pH à l’aide de bandelettes ou de solutions réactives. Prélevez un échantillon de sol, mélangez-le à de l’eau, et suivez les instructions pour obtenir une mesure précise.
• Analyse en laboratoire : pour des résultats plus détaillés, envoyez un échantillon de votre sol à un laboratoire spécialisé. Cette méthode permet aussi d’évaluer les niveaux de nutriments et de déterminer les carences éventuelles.
• Un pH inférieur à six indique que le sol est acide, ce qui peut justifier l’ajout de chaux pour le rééquilibrer.

Observation des plantes indicatrices

Certaines plantes spontanées peuvent révéler un sol trop acide grâce à leur présence dominante. Ces « plantes indicatrices » incluent :

• La prêle qui apprécie les sols acides et humides.
• Les mousses, souvent présentes sur des pelouses mal drainées et acides.
• Le pissenlit qui tolère les sols acides, bien qu’il soit aussi adaptable.
  Si ces plantes prolifèrent dans votre jardin, c’est un signe que votre sol pourrait être acide et nécessiter un amendement calcaire. Mais ce n’est pas une science exacte…

Mousses et prêle sont des signes distinctifs d’un sol acide

Signes de carence chez les plantes cultivées

Un sol acide peut limiter l’absorption de certains nutriments essentiels, provoquant des carences visibles sur vos plantes :

• Feuilles jaunes (chlorose) : résultat d’une carence en fer ou en magnésium, souvent causée par un pH trop bas.
• Croissance ralentie : les plantes montrent un développement faible ou un retard de maturation.
• Racines sous-développées : un sol acide peut affecter la santé des racines, réduisant leur capacité à absorber l’eau et les nutriments.

Pourquoi l'utilisation de chaux au jardin peut-elle être une mauvaise idée ?

L’utilisation de la chaux au jardin peut sembler une solution efficace pour améliorer la qualité du sol, mais elle soulève également des questions importantes. Est-ce que l’apport de chaux est réellement nécessaire ?

• Risque de suralcalinisation du sol : la chaux, en augmentant le pH du sol, peut rendre ce dernier trop alcalin. Un sol trop alcalin peut nuire à la croissance des plantes en bloquant l’accès à certains nutriments essentiels comme le fer, le manganèse et le zinc. Les plantes montrent alors des signes de carences, comme un jaunissement des feuilles (chlorose).
• Impact négatif sur les plantes acidophiles : certaines plantes, telles que les rhododendrons, les azalées, les camélias et les myrtilles, préfèrent les sols acides. Bien évidemment, l’application de chaux dans les zones où poussent ces plantes, dites acidophiles, peut leur être fatal, car elles ne peuvent pas absorber les nutriments dans un sol alcalin.
• Perturbation de l’équilibre minéral du sol : un ajout excessif de chaux peut perturber l’équilibre naturel du sol en rendant certains oligo-éléments moins disponibles pour les plantes. Cela peut entraîner des carences nutritionnelles et affecter la santé globale des plantes.
• Risques pour les micro-organismes du sol : un ajout excessif peut perturber l’équilibre minéral naturel du sol. Mais, la chaux peut aussi affecter la vie microbienne du sol. Certains micro-organismes bénéfiques pour la décomposition de la matière organique et la fixation de l’azote peuvent être inhibés par des changements brusques de pH. Un sol moins fertile et moins vivant en résulte.
• Application délicate et risques de brûlures : enfin, une mauvaise application de la chaux, notamment en trop grande quantité, peut brûler les racines des plantes et nuire à leur développement. Il est crucial de bien mélanger la chaux au sol et d’arroser abondamment après l’application pour éviter ces problèmes.
• Risques environnementaux : l’application de chaux en excès peut entraîner un lessivage de cette dernière dans les eaux souterraines et les cours d’eau, ce qui peut avoir des impacts négatifs sur les écosystèmes aquatiques.

Beaucoup de jardiniers amateurs n’ont pas une connaissance approfondie de leur sol ni des méthodes d’application correctes de la chaux. Des erreurs peuvent facilement survenir, entraînant des dommages aux plantes et au sol. Cette méconnaissance alimente le débat sur l’opportunité d’utiliser la chaux sans une analyse préalable du sol.

Précautions à prendre avant et après l’application de chaux

Pour appliquer la chaux de manière efficace et sécurisée, quelques précautions sont essentielles.

En général, une application tous les 2 à 4 ans est suffisante pour maintenir un pH équilibré, à condition de suivre les recommandations basées sur une analyse de sol. Un suivi régulier du pH permet de déterminer si une nouvelle application est nécessaire.

Il est recommandé de la répandre à l’automne ou à la fin de l’hiver, car cela laisse le temps à la chaux de se mélanger au sol avant les semis ou les plantations du printemps. La quantité doit être adaptée au pH initial et au type de sol : par exemple, entre 200 et 400 g/m² suffisent généralement pour corriger une légère acidité, mais une analyse préalable du sol est indispensable pour éviter les excès.

Enfin, ne mélangez jamais la chaux avec des engrais riches en azote ou du fumier frais, car cela peut provoquer une libération d’ammoniac, nuisible pour les plantes et le sol.

Le dosage est à finement mesurer pour une utilisation en massif par exemple

Existe-t-il des alternatives à la chaux ?

Oui ! Pour ajuster le pH du sol de manière douce et durable, plusieurs alternatives à la chaux peuvent être envisagées.

L’ajout de compost ou de matière organique permet de stabiliser progressivement le pH tout en enrichissant le sol en nutriments essentiels. La cendre de bois, riche en potasse, est une option naturelle qui augmente légèrement le pH tout en apportant des éléments nutritifs.

Enfin, les engrais verts comme la moutarde ou le trèfle améliorent la structure et la fertilité du sol sans en perturber l’équilibre chimique, offrant une solution écologique et équilibrée.

Le cas particulier du blanc arboricole

Le blanc arboricole, aussi appelé lait de chaux, est une préparation traditionnelle utilisée pour protéger les troncs d’arbres, en particulier les arbres fruitiers. Ce badigeon, composé principalement de chaux éteinte mélangée à de l’eau, offre plusieurs bénéfices pour la santé et la protection des arbres :

• Protection contre les parasites : le blanc agit comme une barrière physique qui empêche les insectes et les parasites d’hiverner dans les crevasses du tronc.
• Prévention des maladies : la chaux possède des propriétés antifongiques et désinfectantes, limitant le développement de champignons ou de mousses nuisibles.
• Protection contre les écarts de température : en hiver, le blanc réfléchit les rayons du soleil, réduisant les risques d’éclatement de l’écorce dus aux variations brusques de température (gel/dégel).

Appliquez le blanc arboricole à la fin de l’automne ou en début d’hiver, une fois les feuilles tombées, pour protéger l’arbre pendant la saison froide. Une seconde application peut être faite au début du printemps, si nécessaire. Nettoyez d’abord l’écorce pour retirer les mousses et les lichens. Badigeonnez ensuite le tronc, du bas jusqu’aux premières branches, à l’aide d’un pinceau ou d’une brosse.

→ Pour en savoir plus sur le chaulage des arbres fruitiers, lisez la fiche conseil d’Ingrid sur le sujet.

Appliquez le blanc arboricole à l’aide d’un gros pinceau dans le courant de l’automne