
La marcescence, qu'est-ce que c'est ?
Ces arbres qui font de la résistance en hiver
Sommaire
L’hiver est bien là et dans le paysage ou nos jardins, parmi les végétaux dénudés, certains arbres un peu à part font de la résistance ! Leur feuillage roussi reste curieusement accroché, semblant braver la saison la plus froide. Ce sont des arbres ou des arbustes que l’on qualifie de marcescents.
Lesquels sont-ils et pourquoi ne font-ils pas comme tous les végétaux caducs à l’approche de l’hiver ? Nous vous expliquons aussi dans cet article comment tirer parti de la beauté et de l’originalité des arbres et arbustes marcescents dans un jardin.
Un peu de botanique...
Le mot marcescent est apparu en France au 18ᵉ siècle. Il nous vient étymologiquement du latin “marcescere” qui signifie “se flétrir ou se faner”. Il est employé pour définir les parties aériennes d’un végétal, ses feuilles principalement, mais aussi les calices et corolles, qui ne se détachent pas de la plante une fois mortes, en automne, alors qu’elles sont devenues sèches et flétries. Ce feuillage sec restera attaché à la plante jusqu’au débourrement des nouvelles feuilles au printemps suivant, qui viendront remplacer ces feuilles mortes qui tombent au fur et à mesure. À noter que si le mot marcescent s’utilise généralement dans ce sens, il s’emploie aussi pour qualifier la couronne de feuilles de certains palmiers qui reste desséchée sous les nouvelles palmes, pouvant rester sur place plusieurs années sans tomber de l’arbre.
La marcescence est en réalité considérée comme une variation de la caducité. On pourrait ainsi dire que ce sont des arbres tardivement caducs : en effet, les feuilles sèches avec leur teinte marron à roussie restant accrochées sur l’arbre tout l’hiver finissent bien par tomber, mais quelques mois seulement après les arbres caducs, qui eux, font tomber leurs feuilles en automne. Ce caractère marcescent peut être complet ou partiel, et même temporaire. L’arbre se retrouve quelques semaines seulement dépourvu de feuilles avant le débourrement plus ou moins tardif selon les années.
Le maintien des éléments desséchés et morts l’est sur une plante bien vivante, qui rentre juste en phase de repos végétatif. On observe essentiellement le phénomène de marcescence sur les jeunes arbres et arbustes, notamment chez les chênes.
Biologiquement parlant, chez les arbres marcescents, les enzymes et hormones responsables de la dégradation des tissus à la base du pétiole (la tige de la feuille) sont moins actives ou absentes. Ces enzymes, comme la cellulase et la pectinase, sont responsables — avec la durée du jour qui diminue – du phénomène d’abscission, qui déclenche le processus physiologique de chute en permettant à la feuille (fruits ou fleurs) de se détacher. En raison de l’inactivité des enzymes de dégradation ou de la formation plus lente de la zone d’abscission (surtout chez les jeunes sujets), l’abscission n’est pas totale et les feuilles marcescentes restent attachées à la ramure ou aux tiges par leur pétiole, même après avoir séché et changé de couleur.
Concrètement, ce phénomène permet à l’arbre de mieux protéger ses futurs bourgeons et ses jeunes pousses durant l’hiver et de réabsorber certains nutriments des feuilles mortes avant qu’elles ne tombent au printemps. On relie également souvent ce processus à une relation symbiotique que l’arbre mettrait en place avec les animaux comme les cervidés et les herbivores : ils se détourneraient de leurs feuilles peu nutritives au lieu de s’attaquer à leurs bourgeons ou à leur écorce. Il s’agit selon certains écologues d’une véritable stratégie de survie face au froid également !
La marcescence est variable en fonction du climat et des températures, mais elle ne doit pas être confondue avec les feuillages semi-persistants : ces derniers ne dessèchent pas leur feuillage. Sous un climat plus doux, ils conservent tout simplement tout ou partie de leur feuillage ayant souvent viré de couleur, devenant quasiment persistants, donc appelés semi-persistants (certains rosiers, le Lonicera fragrantissima, des fuchsia arbustifs, les fusains caducs, etc.)
Olivier vous explique en images les différences entre feuillage caduc, persistant ou marcescent dans sa vidéo.
→ Lire aussi : Comment les plantes résistent-elles au froid ?

La présence d’une haie marcescente au jardin : des couleurs chaudes et une texture unique !
Les végétaux à feuilles marcescentes
Quand on parle de marcescence, cela s’applique essentiellement aux arbres et arbustes, dont trois principaux rencontrés chez nous (qui appartiennent tous au même ordre, celui des Fagale), tous originaires des forêts d’Europe :
- Le hêtre commun (Fagus sylvatica) et ses nombreuses variantes (pourpre avec le Fagus sylvatica ‘Atropurpurea’, ‘Franken‘ marbré de blanc et nain, ‘Dawyck‘ fastigié, etc.)
- Le charme et la charmille (Carpinus betulus) et leurs variétés (Carpinus ‘Fastigiata’ de forme ovoïde, ‘Orange Retz’ à l’écorce noire, pleureur comme chez le ‘Carpinus betulus ‘Pendula’, etc.)
- De nombreux chênes très ornementaux comme le chêne tauzin (Quercus pyrenaïca), le chêne rouvre (Quercus petraea) et ses variétés, le chêne truffier (Quercus pubescens), plusieurs chênes pédonculés (Quercus robur et ses nombreux cultivars comme le Quercus robur ‘Salicifolia’ aux feuilles allongées, le Quercus robur ‘Pectinata’, les superbes Quercus robur ‘Crimson Spire’ et ‘Fastigiata Koster’ à port colonnaire, ou à port fastigié comme le Quercus robur ‘Zeland fastigiata’. On trouve aussi des chênes moins connus et remarquables comme le Quercus petraea ‘Insecata’ au feuillage lacinié, le Quercus imbricaria (chêne à feuilles de laurier), le Quercus alba ‘Longigemma’, le chêne de Macédoine (Quercus trojana), le Quercus acutissima, certains Quercus dentata, le Quercus falcata, le Quercus lanuginosa un autre chêne pubescent… la liste est longue.
- Chez certains arbres jeunes comme les châtaigniers (Castanea sativa) et les saules ou chez l’ostryer (Ostrya carpinifolia), mais aussi en climat doux chez le cyprès chauve (Taxodium distichum), le mélèze ou le Pseudolarix, on pourra aussi parler de marcescence.
N.B. : les fruits ou fleurs peuvent, eux aussi, rester attachés en séchant sans se détacher, comme on le voit sur le Paulownia, la monnaie du pape, la cardère, les sédums et certains hydrangéas.
→ Lire aussi Les fleurs fanées décoratives en hiver.

Quercus imbricaria, Carpinus betulus (feuillage estival), fruits du Paulownia tomentosa, Quercus pyrenaica et Fagus sylvatica ‘Atropurpurea’
Comment utiliser les arbres marcescents au jardin ?
Les marcescents restent particulièrement décoratifs pour la couleur qu’ils apportent au jardin dans des tons miellés à rouille et pour leur texture très différente des arbres et arbustes caducs. C’est un atout de charme indéniable durant les mois d’hiver. Les chênes seront souvent utilisés en isolés pour profiter de ce caractère d’exception.
Pour créer des haies séparatives évolutives
C’est une des principales utilisations, car les haies ainsi occultantes assurent ainsi un très bon brise-vue toute l’année. Le charme est réputé pour cette fonction, et a été employé avec succès dès le 17ᵉ siècle dans les jardins européens.
On retrouve ces haies parfois basses, taillées au cordeau, pensées comme une ligne pointillée comme dans le jardin de Stéphane Marie (Jardin de la Maubrairie dans le Cotentin), et souvent plus hautes dans de nombreux jardins à la française de château, parfois taillées en rideau, mais aussi dans des jardins champêtres où elles peuvent restent libres. La haie marcescente est en effet adaptable à quasiment tous les styles de jardin, et sa hauteur ajustable en fonction du besoin.

x
Lire aussi : Pourquoi et comment aménager différents espaces au jardin ?
Pour créer des labyrinthes
Quand on décide de créer un labyrinthe chez soi, on recourt bien souvent aux charmes et charmilles qui constituent une des plus belles essences pour ce projet, car les tailles répétées stimulent sa ramification. On conserve ainsi un labyrinthe visuellement fourni grâce à la tenue des feuilles sèches tout l’hiver.
→ Lire aussi : Créer un labyrinthe au jardin.

Le labyrinthe de charmes conserve son tracé net et son intérêt tout au long de l’année
Dans l’art topiaire
Le charme — encore lui ! — ne craignant pas la taille, il est parfaitement approprié à la formation de topiaires, ces arbustes que l’on transforme à loisir selon son inspiration en art figuratif. Il est fréquemment vu dans des alignements en motif répété dans les jardins à la française.

À droite, les charmes formés en topiaires en été et en hiver.
Pour créer des arches ou berceaux de verdure
Le charme est aussi prisé dans la création de structures comme des arches végétales, des tunnels ou des berceaux de verdure, sortes de gloriettes palissées permettant de s’asseoir en dessous.

Une jolie arche de charme au Jardin des plantes d’Angers (© Gwenaëlle David Authier)
Dans des scènes automnales
Les arbres marcescents se marient facilement avec les couleurs chamoisées des graminées à leur apogée et avec tous les arbustes à coloration automnale, du jaune à l’orangé jusqu’au rouge.
Dans un winter garden
Les feuilles marcescentes laissent filtrer la lumière avec une belle transparence : en situation ensoleillée dans un winter garden, le résultat est particulièrement efficace et se révèle magique durant la saison froide.
- Abonnez-vous
- Sommaire

Commentaires