
Le jardin d'hiver ou Winter garden
Quand le jardin prend ses quartiers d'hiver
Sommaire
Depuis un certain best-seller de 2016 et une mode venue tout droit d’Angleterre, nous ne regardons plus nos jardins de la même façon en hiver. Car l’hiver, cette saison « réinventée » comme nous le racontait Cedric Pollet, est devenu tendance pour nos jardins. Quand l’automne sublime les feuillages, l’hiver apporte en effet poésie et magie à la nature endormie : il révèle les écorces, remet dans la lumière les graminées, magnifie les conifères, colore certains arbustes de teintes parcheminées ou carrément fluo, nous éblouit de floraisons et de fructifications toutes plus gracieuses les unes que les autres… Et quand le givre et la neige surgissent et recouvrent le végétal, le jardin se transforme en un tableau féérique !
L’hiver, une saison fâcheuse ? Loin de là… c’est ce qu’ont compris nombre de jardiniers et de paysagistes en intégrant de plus en plus cette dimension ornementale hivernale au jardin. Suivez-nous pour une parenthèse enchantée dans le Winter garden !

Le jardin d’hiver nous invite à regarder d’un œil différent la nature que l’on aurait tendance à déserter à la morne saison. Ici, une jolie scène au Sir Harod Hillier Gardens en Angleterre (© Marc Pringle)
C'est quoi un jardin d'hiver ?
Quand on parle de jardin d’hiver, on pense généralement à la pièce d’agrément, à ces belles vérandas ou serres anciennes souvent ouvertes sur une pièce de la maison, utiles pour hiverner quelques belles exotiques frileuses.
Mais on utilise de plus en plus souvent ce terme pour désigner ce qui nous intéresse dans cet article (…même si l’autre jardin d’hiver est charmant) : un jardin attrayant jouant sur les colorations hivernales lors de la morne saison. Venu d’Angleterre, ce jardin d’hiver qui s’appuie sur les ressources infinies de la palette végétale y a vu le jour dans les années 1980. Là-bas, nombre de jardins restent ouverts durant la saison froide, et les « winter walks » -ces promenades hivernales dévoilant les plus beaux spécimens colorés- sont même très prisées des anglais.
Désormais tendance en Europe, ce type de jardin se propose en effet de redonner vie au jardin en hiver, en se basant sur le potentiel chromatique de moult végétaux sans doute pas assez utilisés jusque-là, en exploitant les feuillages persistants, écorces, ports dénudés, floraisons et baies ainsi que les fanaisons laissées en place.
Si les floraisons hivernales souvent longues comme les Hamamélis, hellébores ou Daphnés sont de la partie, le jardin d’hiver s’appuie sur certains végétaux indispensables –conifères, bouleaux ou prunus, bruyères et graminées- et d’autres à glaner parmi les plus beaux arbustes à bois, floraisons ou fructifications hivernales. Le jardin d’hiver réussit alors le pari fou d’insuffler des couleurs sublimes et un graphisme insensé au jardin dans les mois considérés comme les plus tristes.

Des jeux de couleurs portés par les écorces des bouleaux (en bas au milieu Betula ermanii), les bois rougis de cornouillers, les baies, les longues floraisons comme les hellébores et des teintes lumineuses comme celles des Mahonias
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Pour que le jardin d’hiver fonctionne bien et qu’il dessine cette ambiance poétique et gracieuse, il est important de se baser sur certains indispensables en matière de paysage. On ne mise vraiment plus sur la seule bruyère, longtemps considérée comme unique végétal ornemental de l’hiver, mais bien sur plusieurs type de végétaux qui vont parfaitement s’entendre d’un point de vue graphique, chromatique et volumétrique :
- Quelques feuillages persistants pour une structure visuelle et un volume souvent rythmé par des conifères, mais aussi des fusains, skimmias, buis, rhododendrons, Ophiopogons et Hakonechloas, etc…
- des écorces et bois remarquables qui viennent ponctuer le jardin, offrant des verticales et des effets de couleur, de brillance ou de texture avec les écorces exfoliées et des ramures frêles : les rois Betulas, Prunus et Acers, les divins cornus et rubus…
- des silhouettes d’intérêt : dénudés de longs mois, on privilégie des caducs à ports évasés (un Acer palmatum ou arbre à papier par exemple), étagés (comme un Cornus controversa) ou en cépée, tels des sculptures hivernales, et on opte pour quelques arbustes ou arbres pleureurs ou parasols ou bien des ramures tortueuses comme le Corylus avellana ‘Contorta’ ou le Poncirus trifoliata.

Les écorces blanches des bouleaux de l’Himalaya et un festival de perce-neige et muscari dans le winter walk au Ragley Hall en Angleterre (© Amanda Slater). A droite, le beau contraste entre la silhouette d’un Cerisier du Tibet, les cornus jaunes et un bosquet de bouleaux.
- les floraisons délicates de l’hiver pour réveiller les teintes plus froides. En guise de couvre-sol ou en version arborée, elles viennent simplement soutenir l’ensemble des feuillages, écorces et bois colorés

Parmi la large gamme de floraisons hivernales : les perce-neige, la viorne de Bodnantense, l’hellébore, l’Hamamelis et la bruyère d’hiver
- des zones pensées et étudiées par jeux de couleur : les camaïeux apaisants ou au contraire les contrastes entre couleurs chaudes et froides sont tous deux efficaces pour sublimer et dynamiser le végétal

Couleurs fortes et contrastées au Sir Harold Hillier Garden : Ophiopogons planiscapus ‘Nigrescens’, Rubus cockburnianus, Phormiums, Cornus, graminées et pins dorés
- Des végétaux se comportant bien aux autres saisons par le biais de bulbeuses et de vivaces persistantes à floraison printanière ou estivale, et grâce à des plantes 2 en 1, qualitatives sur au moins deux saisons
- un subtil mélange et une belle harmonie de tous ces composants, pour proposer des scènes visuellement très douces et photogéniques !
Une féérie de couleurs
Parce qu’il s’amuse avec les couleurs, le winter garden nous invite à revoir notre abécédaire chromatique et les (nombreuses !) plantes à intérêt hivernal. On va mêler aux feuillages encore en place, souvent vert foncé, panachés à bleutés en hiver, une riche palette colorée. Les floraisons ne sont finalement qu’un des outils à utiliser, qui permettent notamment une belle transition vers le printemps.
- des tons flamboyants : assurément les plus utilisés, ils vont de l’orangé au rouge acajou… Ce sont les couleurs chaudes par excellence, indispensables au jardin d’hiver. Elles sont rapportées soit par des bois dénudés (ceux des Cornus en sont le plus vibrant exemple, mais aussi du Salix purpurea ou le cuivré du Salix alba ‘Vitellina’), les sublimes écorce cannelle à acajou des Acers et Prunus (parmi eux Acer griseum, Prunus serrula, Prunus maackii , Betula gynoterminallis) et certains feuillages rougissant sous le froid (Bergenias, azalées, bambous sacré, etc), soit par des floraisons lumineuses (Hamamelis). C’est sans compter sur les fructifications hivernales innombrables rougissantes (pommiers d’ornements, Cotoneasters, houx, certains Berberis, Pyracanthas, Plaqueminiers, Nandinas domestica, Physalis, les cynorrhodons…).

Ecorce de l’Acer griseum, Hamamelis, Cotoneaster, Cornus alba et l’écorce du Prunus serula
- des tonalités jaunes à orangées : elles surgissent sur les bois nus de Cornus sericea ou flaviramea, du Salix erythroflexuosa, mais aussi bien sûr les floraisons hivernales qui ramènent beaucoup d’éclat au jardin et s’associent aux tons flamboyants, en créant de beaux dégradés de couleurs : Edgeworthia chrysantha, Chimonanthus praecox, Mahonias, Hamamelis, Cornus mas, Corylopsis…

Chimonanthus praecox, Malus evereste, Edgeworthia chrisantha ‘Red Dragon’, Cornus sericea flaviramea, et Cornus mas
- des tonalités rosées à pourpre : les viornes d’hiver (V. Bodnantense), les Daphnés, les bruyères (Erica carnea, Erica darleyensis), les Prunus précoces, les Chaenomeles, certains hellébores orientales, les Camelias, les Cercis en fin d’hiver, jusqu’au violacé gourmand des Callicarpas, aux rameaux nus des Salix purpurea, etc.

Viburnum bodnantense, Daphne, Ericas darleyensis, Callicarpa et Hellébores
- des tons verts et bleutés : Pins, Juniperus, Chamaecyparis et de nombreux conifères, eucalyptus, lavandes, cinéraires, santolines, muscaris, certaines graminées dont les fabuleuses fétuques : les tons bleutés sont des révélateurs de couleurs pour le jardin d’hiver. Persistants, ils s’utilisent principalement au soleil et ont souvent des formes coussin intéressantes en strate basse. A ne pas oublier pour créer d’étonnants contrastes avec les teintes roses, orangées ou plus foncées ! Les tons verts sont amenés par plusieurs espèces caduques dont les fusains, les buis, le houx et bien sûr les conifères, souvent choisis lumineux dans des tons presque acidulés.

Cèdres, chamaecyparus, pins, mais aussi les fétuques, cinéraires et santolines qui elles composent des touffes remarquables en contrepoint des volumes assurés par les plus grands arbres
- des touches blanches à argentées : il s’agit des floraisons immaculées suggérant la neige, apportant énormément de douceur aux massifs. On peut compter entre autre sur une large gamme de bruyères d’hiver (Ericas), les hellébores, la symphorine, les perce-neige et anémones des bois, le Sarcococca, et sur de nombreuses écorces ou bois : Betulas, Rubus biflorus, Rubus cockburnianus…. Mais aussi le Garrya eliptica, les chatons de saules comme Salix caprea… et pour accueillir le printemps la blancheur des Magnolias stellata.

Helleborus niger, Symphoricarpos, Rubus cockburnianus (© Leonora Enking), Betula utilis Jacquemontii et Salix caprea
- des tonalités parcheminées, paille à rouille : ce sont essentiellement les graminées et les inflorescences fanées restées en place qui assurent ce spectacle, ainsi que les arbres marcescents et les fougères roussies, tout aussi remarquables que les teintes plus vives, car en accord complet avec la douceur ambiante créée par le froid. Ces teintes passées confèrent une grâce infinie et beaucoup de liant entre les différents sujets implantés dans un grand massif.

Tons beige de Miscanthus et fougère roussie, inflorescences conservées de Sedums et d’Hydrangeas : tous rajoutent à la grâce feutrée du jardin d’hiver
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Les plus belles écorcesDes jeux de textures
Amenées en grande partie par les conifères, arbres et arbustes persistants, mais aussi par les écorces des arbres caducs, les textures jouent les stars dans un jardin d’hiver. Au-delà des couleurs, elles offrent tour à tour de la douceur (feuilles veloutées de lavandes lanata ou de stachys en climat doux), de la brillance (écorces lissées des Prunus ou des Acer davidii, rougeoiement des baies), de la matité par les exfoliations des bouleaux, les bois des rubus, des sensations vaporeuses (graminées aériennes, Salix caprea), des visuels piquants ou assurant un beau volume (bruyères, hellébores ou Cornus en masse.)… La parure hivernale ne serait vraiment pas la même dans un winter garden sans un habile mélange de ces formes et densités de feuillages divers.

Le winter walk au Savill garden : Hachonekloas, hellébores, lierre, Cornus Winter Flame et bouleaux. Les textures se retrouvent aussi dans certaines lavandes, tous les conifères et les Prunus
→ Lire aussi : Quels arbustes persistants pour un hiver coloré ?
Un winter garden... qui s'adapte
Si le winter garden parait de prime abord compliqué à concevoir, c’est sans doute en raison des essences le composant -arbres à écorces comme les bouleaux et prunus, conifères- qui demandent quelques années avant d’exprimer tout leur potentiel. Car le jardin d’hiver peut vraiment s’imaginer dans de nombreux espaces, en prenant soin de l’adapter selon les dimensions, expositions et type de sol.
- Plus à son aise sur de grands jardins ou parcs, avec quelques végétaux plantés en masse, il est effectivement grandiose dans des espaces où l’on bénéficie de recul pour l’admirer. Mais le winter garden peut aussi se décliner dans des jardins de moindre envergure : dans ce cas, vous ferez le choix d’un seul massif où vous mettrez en vedette 3 ou 4 végétaux ornementaux dont un arbre ou arbuste, avec un port fastigié ou boule par exemple. En général, plantez plutôt en masse qu’en diversité.

Le Savill Garden en Angleterre (© Karen Roe) : les jardins d’hiver sont sublimés sur les grands espaces
- Les jardins du sud de l’hexagone comporteront certainement des essences plus appropriées au climat et au sol, résistant bien à la sécheresse et possédant les qualités ornementales du jardin d’hiver : l’Arbutus unedo et les Eucalyptus pour leur persistance et leurs écorces magnifiques par exemple, des bambous, des Euphorbes, etc…
- De nombreux winter gardens sont sublimés en exposition très ensoleillée, condition que requièrent les conifères, bruyères ou graminées. Mais la plupart des végétaux phare de ce type de jardin s’accommodent d’une mi-ombre légère comme les Prunus et bouleaux, les cornouillers, tandis que l’ombre permet d’aménager de beaux massifs grâce aux Hellébores et aux Daphnés. Tous les jardins peuvent donc prétendre au winter garden !
- Une terre acide convient souvent bien car adaptée à de nombreux persistants comme les arbustes de terre de bruyère... ou des conifères mais là encore, une large gamme de végétaux tolérant le calcaire peut venir prendre place au jardin d’hiver (Hellébores fétides ou de Corse, Euphorbes, Erica mediterranea…)
Les jardins d'hiver incontournables en France et en Europe
Certains jardins se sont fait une réputation sur leur décorum hivernal, et c’est bien aux heures les plus courtes de l’année qu’il faut les découvrir pour être convaincu de leur intérêt ornemental sur les quatre saisons… Quelques jardins de l’hexagone et de Belgique ouvrent d’ailleurs leurs portes toute l’année, et bien sûr de nombreux jardins d’outre-Manche :
- En France : avec notamment le Jardin du Bois Marquis près de Vienne, et le jardin de la princesse Greta Sturzda ‘Le Vasterival’ à Varengeville-sur-mer, près de Dieppe.
- En Belgique : l’Arboretum de Kalmthout et sa remarquable collection d’Hamamelis, le jardin de cristal Fleurissart à Bousval…
- En Angleterre, ils sont vraiment nombreux à valoir la visite : Sir Harold Hillier Gardens dans le Hampshire au sud ; Anglesey Abbey tout proche de la ville de Cambridge à l’est du pays ; Savill Garden non loin de Londres (il fait partie des jardins de Windsor) ; Bressingham Gardens dans le Norfolk, un des plus anciens, Rosemoor gardens au sud dans le Devon, Bodnant Gardens au Pays de Galle, Wisley Gardens dans le Surrey, et le superbe Cambridge University Botanic garden…

Ragley Hall (© Amanda Slater) : Cornus, Ophiopgons et perce-neiges, Anglesey Abbey gardens (© sps 1955) : Cornus, Hamamelis, fusain panaché et Viorne bodnantense
Des lectures pour s'inspirer
Quand certains jardins sont un peu trop loin pour les visiter, restent les livres… et quels livres ! Tous plus beaux les uns que les autres, voici ceux qui devraient vous convaincre de l’utilité d’inviter l’hiver au jardin :
- Jardins d’hiver : une saison réinventée de Cédric Pollet. 2016. Ed. Ulmer
- Ecorces : voyage dans l’intimité des arbres du monde de Cédric Pollet. 2008. Ed. Ulmer
- Mon jardin en hiver de Snezana Gerbault. 2018. Ed. Delachaux et Niestlé
- Toutes les plantes belles en hiver de James Garnett et Didier Willery. 2019. Ed. Ulmer
Pour aller plus loin
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